Charlotte Meunier
Il faut des règles pour que nos modes de vie ne grignotent pas de plus en plus la place de la nature.
Les réserves naturelles ont élu l'an dernier à la tête de leur fédération, Réserves naturelles de France (RNF), Charlotte Meunier. Une présidente pour porter la parole de son réseau et défendre la conservation des espèces pour les générations futures, mais aussi des valeurs humaines. Même si la tâche est difficile et très prenante, elle estime que l'essentiel de son rôle est de donner les moyens à tous ces professionnels et acteurs des réserves compétents de travailler et de faire avancer la protection de la biodiversité. « Ce qui me tient à cœur, également, c'est de renforcer le rôle d'influence de l'association : être plus présents sur les aspects législatifs et s'associer aux élus engagés pour la biodiversité et le climat. »
Charlotte Meunier défend bien le modèle des réserves et le connaît sur le bout des doigts. Elle est passée par celle de Nohèdes, dans les Pyrénées, mais aussi par celle des gorges de l'Ardèche à partir de 2007, dont elle a été directrice-adjointe jusqu'en 2019. « Je suis impliquée dans le réseau depuis vingt ans. » Comment expliquer cette vocation ? Une enfance en milieu rural, en contact direct avec la nature dans la Sarthe et en Bretagne, « à regarder les insectes dans les champs, chercher les tritons dans les mares. » En tout cas, sa sensibilité naturaliste s'est développée durant ses études, entre Rennes et Toulouse, en écologie puis développement des territoires de montagne. Ceci explique sûrement sa conviction profonde quant à la protection de la nature : « On doit préserver l'équilibre entre les activités humaines et la biodiversité. Les aires protégées sont des lieux d’expérimentation de la transition écologique. »
Elle se souvient du travail accompli sur les chauves-souris dans les Pyrénées- Orientales, des belles avancées obtenues pour préserver les gîtes et leur reproduction. Elle cite également le travail, en Ardèche, sur les pelouses sèches, avec les usagers, éleveurs, chasseurs, randonneurs. Équilibre, encore, dans le retour de la Pie grièche, du Damier de la succise et des Vautours percnoptères, qu'elle salue comme indicateurs du bon résultat de la gestion.
Quand elle parle des projets auxquels elle a participé, on sent sa profonde conviction : toutes les forces doivent converger. « On doit travailler ensemble, même si on n'est pas toujours d'accord, même si c'est parfois plus long. » On comprend donc qu'elle souhaite une union plus forte des espaces naturels (parcs nationaux, régionaux, conservatoires, sites N2000...). Pour elle, il est important que ces réseaux coopèrent et que leurs membres soient présents dans les instances et débats nationaux « si l’on veut que des actions concrètes se mettent en place, il est nécessaire de faire le lien entre les réalités de terrain et le niveau stratégique national, car les réalités et la temporalité d'actions sont souvent bien éloignées. » Elle milite d'ailleurs pour une plateforme qui permettrait de les unir. Dans ce sens, un poste inter-réseau (RNF, FPNRF et FCEN) a été créé pour renforcer l'animation du réseau Natura 2000 suite à deux ans de travail de RNF et de partenariat avec le ministère et l'AFB.
Les connaissances accumulées dans les réserves, depuis 40 ans, méritent d'être valorisées.
Le fait qu'elle soit une femme à un poste de présidente est-il un sujet ? « Je constate, avec regret, que, même dans nos réseaux souvent avant-gardistes, les présidences sont encore très masculines alors que femmes et hommes sont souvent à part égale dans nos structures... »