Formation

Éthique : un temps pour se poser les bonnes questions

 

Espaces naturels n°57 - janvier 2017

Management - Métiers

Marie-Mélaine Berthelot

La préservation de l’environnement est devenue un défi public majeur que les professionnels de la nature peuvent contribuer à relever avec une responsabilité particulière. Comment faire des choix pertinents, comment aider les prises de décisions individuelles et collectives ? En quoi l'intégration de l’éthique par les professionnels apporte-t-elle une plus value aux métiers de l’environnement ?

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L'éthique, le milieu de l’accompagnement social et médical y est quotidiennement confronté. Il y a une organisation adaptée avec des référentiels ou des comités dédiés. Les professionnels de l'environnement sont peu outillés dans ce domaine alors que l'enjeu est majeur. « Il y a des responsabilités fortes, des cas de conscience, des urgences, des pressions. Les professionnels s’interrogent sur les impacts de leurs choix et de leurs actes. Face à la complexité des situations, les décisions doivent être éclairées pour être pertinentes » constate Anne Pariente, responsable du pôle éthique et environnement au Centre éthique international. Ce centre de formation organise depuis 2014 des stages en « éthique et environnement » pour aider les professionnels à se sentir plus au clair dans leur pratique. 

Y a-t-il des spécificités applicables au domaine de l’environnement ?

Dans le champ de l'éthique, le domaine de l'environnement nécessite une réflexion spécifique. Sur le plan de la théorie, il y a des investigations autour de concepts clés comme la nature, la biodiversité. Sur le plan de la pratique, il y a des situations complexes comme les choix d'aménagement où de nombreux paramètres sont à prendre en compte : impacts sur l’environnement, besoins des populations humaines, contraintes légales, techniques et financières... Les maîtres d’ouvrage doivent faire les bons choix en prenant en compte au mieux l’ensemble des critères. 

Qui ne s'est pas senti démuni face à une décision ?

Anne Pariente fait part de son expérience d’ingénieure au ministère de l’Environnement : « Quel que soit le niveau hiérarchique et le métier, il y a des orientations et des choix. Dans certaines situations, il y a beaucoup de tensions, de conflits, de réactions émotionnelles. Pris par ces situations, les professionnels peuvent oublier des parties prenantes, perdre de vue l'objectif du projet, se sentir démunis. Il y a des instances techniques, mais peu d'instances pour aborder ces situations, poser les questions de fond, croiser plusieurs regards pour éclairer une problématique. »

Est-ce que l'éthique peut s’apprendre ?

Fanny Abadi, directrice du Centre éthique international, précise les objectifs des programmes pédagogiques : « Les formations permettent d'acquérir des méthodes, des outils, de séparer l’être de la situation pour mieux se situer, analyser et anticiper les situations de crise. La démarche pédagogique favorise la prise de recul, la réflexivité sur les pratiques et les organisations, le sens critique et la cohérence entre valeurs individuelles et pratique professionnelle. Dans un contexte où les cursus initiaux sont souvent techniques et cloisonnés, les professionnels ont besoin de plus de connaissances et d’outils pour comprendre le sens et les différents points de vue. Si les mots ne sont pas définis dans leur sens profond et leurs nuances, ils peuvent se vider de leur sens. Des philosophes travaillent sur les concepts liés à la nature (Catherine Larrère, Jean-Philippe Pierron, Gérald Hess, Virginie Maris...). Prendre connaissance de leurs travaux amène des repères et de la clarté dans le travail. Les stagiaires modifient leur façon de réfléchir. Ils peuvent développer plus de sérénité, de justesse, d’objectivité. »

Les formations proposent à la fois une transmission de savoir, l’ouverture d’un espace de réflexion avec des interventions de spécialistes, des mises en pratique et des axes de travail concrets comme l’intégration de l’éthique dans la conduite de projets ou le management des organisations. Les formations durent trois jours pour permettre un véritable parcours individuel.

Quelles sont les plus-values des formations ?

Fanny Abadi précise que, en ce sens, les formations sont conçues pour répondre aux demandes concernant l’évolution des métiers : « Les professionnels acquièrent ou renforcent leurs capacités à prendre des décisions pour conduire leurs missions de façon optimale. Il est essentiel qu’il y ait au quotidien des espaces pour susciter des éclairages collectifs et interdisciplinaires en prenant en compte les parties prenantes. Le Centre éthique international propose aussi des conférences, des congrès ouverts à un large public et au niveau international. »

Certaines structures publiques ou privées commencent à mettre en place de tels espaces mais cela reste encore bien en marge. « La pratique de l’éthique consiste à intégrer le savoir-faire, le savoir-être jusqu’à "l’état d’être" pour être cohérents, plus justes et plus libres. Même si cela bouscule et que l’éthique interroge, il me semble aujourd’hui inévitable de prendre en considération l’évolution sociétale avec son état de crise, avec ses normes et ses limites. Il faut de la patience et du temps pour intégrer les évolutions dans le respect du sujet, de l’environnement pour son devenir. Nous avons tout intérêt à construire ensemble. » conclut Fanny Abadi.