Un plan de gestion avec les citoyens
Espaces naturels n°69 - janvier 2020
Pascal Faverot, pascal. faverot@cen-rhonealpes.fr,
Chrystelle Caton, chrystelle.caton@cen-rhonealpes.fr
Associer des citoyens dès le début de la construction du plan de gestion d'un site naturel protégé permet de mieux croiser les préoccupations de préservation des patrimoines. L’enjeu : améliorer l’appropriation locale du site naturel. L’expérience menée ces dernières années sur deux secteurs du sud-ouest lyonnais a permis de tester différents outils et d'ajuster la méthode.
LE CONSTAT INITIAL : UN MANQUE D’IMPLICATION CITOYENNE
« On se rendait compte que dans la gestion qu’on pratiquait habituellement sur ce territoire, il y avait peu d’appropriation par les populations locales », décrivait une chargée de mission au Cen Rhône-Alpes. Aussi, de manière conjointe avec les deux communautés de communes du Plateau mornantais et de la vallée du Garon, dans le sud-ouest lyonnais, la décision a été prise de travailler le plan de gestion de manière participative. Outre le besoin de rassembler suffisamment de personnes autour du projet, l’intérêt était aussi d’y accueillir de « simples » citoyens et de mieux ouvrir le projet aux autres patrimoines. Pour ce faire, un premier travail a été engagé avec un état des lieux des acteurs du territoire puis des perceptions et des enjeux liés à cet espace naturel. Mieux cerner ces perceptions permettait ensuite d’aller à la rencontre des citoyens.
LA DERNIÈRE FOIS QUE VOUS ÊTES ALLÉ DANS UN ESPACE NATUREL, C’ÉTAIT…
Cette accroche a été utilisée sur un marché local afin de capter l’attention des passants et d’engager la discussion. L’idée était amenée par l’Union régionale des CPIE dans le cadre du dispositif EAUsons agir, avec comme finalité d’engager chacun à réfléchir sur sa perception des espaces naturels. La chargée de mission ayant mené l’expérimentation de cet outil sur le Plateau mornantais témoigne : « Ce processus de témoignage, nous a permis de toucher des personnes qu’on n’aurait pas pu identifier autrement parce que non investies dans une quelconque organisation. Il permettait de collecter ce qui faisait l’identité du secteur et d’inviter ensuite ces personnes à poursuivre la réflexion autour d’ateliers de travail. » Ainsi, pour approfondir ces premiers échanges, trois ateliers thématiques ont été menés : paysages, biodiversité, eau et continuités écologiques, avec chaque fois une quinzaine de participants. Pour favoriser la participation, l'animation utilisait des outils tels que le World café ou Phillips 6.6 (réflexion en groupes de 6 et 6 minutes). Les suggestions ressortant de ces ateliers étaient nombreuses : replanter des haies avec des essences locales, maintenir les prairies naturelles en bon état de conservation… Toutes ont été consignées dans le plan de gestion, même celles ne relevant pas des missions d’un conservatoire d’espaces naturels, par exemple inventorier le petit patrimoine bâti. Il était effectivement important de ne pas perdre une parole et de laisser la possibilité aux communautés de communes ou à d’autres associations de s’emparer de ces actions.
DES ENSEIGNEMENTS
Le constat est partagé : d’une part, à travers cette démarche, des élus locaux ont fortement manifesté une envie d’agir pour le patrimoine naturel de leur territoire, d’autre part, une quarantaine de citoyens ont participé aux ateliers de travail et largement enrichi le plan de gestion, en réorientant celui-ci vers plus de préoccupations croisées entre patrimoines. Durant la phase de mise en oeuvre du plan de gestion, le lien est maintenu à travers des sorties nature régulières et un chantier participatif annuel. Il reste toutefois à s’interroger sur une implication des citoyens dans l’instance décisionnelle que représente le comité de pilotage du site, afin de rendre plus pérenne cet élan d’appropriation.
Deux ans plus tard, cette initiative a été étendue à la vallée du Bozançon située quelques kilomètres plus au sud, avec plusieurs améliorations apportées au dispositif. La première concernait le besoin d’identifier une personne du Cen portant la casquette d’« expert biodiversité » lors des ateliers. D'une part, parce qu'il était nécessaire de séparer ce rôle-là de celui d'animateur de la séance. D'autre part, parce que la composition des groupes montrait des lacunes d'un point de vue de la culture naturaliste. La seconde est liée à la durée du processus : pour éviter un essoufflement de la part des habitants, l’obligation de contenir tout le processus sur un an a été posée. Si la transposabilité d’une telle démarche parait maintenant évidente, il reste à prendre en considération le surcoût que représente la multiplication des temps de contacts avec le public et l’acquisition nécessaire de compétences d’animation participative pas toujours au coeur des métiers de gestionnaires.
Aller plus loin
Un film qui illustre ce processus : La nature en partage – Cen Rhône-Alpes, à consulter sur www. cen-rhonealpes.fr/participation-citoyenne-la-nature- en-partage