ÉVALUER LES ACTIONS

Mobiliser : longtemps ou intensément ?

 

Espaces naturels n°69 - janvier 2020

Le Dossier

Christophe Tréhet

Dans les actions de mobilisation, il y a les formats courts et intenses (marathons, concours), et les formats sur le long terme (ambassadeurs, réseaux de partage). Sans hiérarchiser les uns par rapport aux autres, voyons les objectifs poursuivis dans les deux cas. Quelles sont les conditions de la réussite ?

Cérémonie de signature des chartes écoacteurs dans la réserve de biosphère des gorges du Gardon. © C.Tombois - SMGG

Gros coup de pub sur un événement ou travail de fond ? Action choc ou relations de long terme ? Tout est bon dans la mobilisation, tant qu'on sait ce qu'on veut en faire.

Parmi les formats courts, on trouve par exemple les actions liées aux Atlas de la biodiversité des communes (ABC). Randonnée naturaliste, inventaire en 24 h, mais aussi concours photo et interfaces en ligne : ces sollicitations sont ponctuelles, mais reposent sur une animation au long cours. Depuis 2018, Romain Deschamps anime, en tant que soutien technique et scientifique, la mise en oeuvre d’un atlas initié par la communauté de communes du Bocage bourbonnais. Assisté d’un animateur en service civique, le chargé d’études du Conservatoire d’espaces naturels (Cen) de l’Allier a patiemment mis en place le projet, sur la base d’un comité de pilotage, auquel ont été conviés des élus, bien sûr, mais aussi « toute personne susceptible de nous aider à sensibiliser le grand public, tel que des bénévoles associatifs par exemple », détaille Romain Deschamps. Car, dans le Bocage bourbonnais, « les habitants ont peu l’habitude d’être sollicités au sujet de la biodiversité, au profit de questions plus agricoles ».

PRENDRE CONSCIENCE DE CE QUI NOUS ENTOURE

Une série d’animations s'est tenue en 2018 et 2019, sur le territoire intercommunal. Ces animations ont donné des résultats satisfaisants. Qu’y avait-il au menu ? « Une grande randonnée naturaliste a permis de faire découvrir le projet et d’expliquer comment y participer en tant que résident. Un marathon naturaliste a consisté à chercher en une journée, sur une exploitation agricole emblématique de la biodiversité locale, un maximum d’espèces sauvages. Il y a eu également des

conférences, des concours photo, et une interface en ligne sur laquelle les gens peuvent renseigner leurs observations ». Somme toute, rien d’exceptionnel au premier abord. Mais l’action du Cen Allier rappelle combien des animations soignées contribuent à éveiller la curiosité et, par la suite, à faire naître un regard plus aiguisé sur le patrimoine naturel local. Romain Deschamps précise : « à chaque occasion, les participants se sont montrés très intéressés. Face au fl ux continu d’informations, une sortie permet de poser des questions, de discuter, de retrouver le goût d’apprendre. L’interface en ligne en est le prolongement, car les gens nous contactent pour en savoir plus sur l'espèce qu'ils ont aperçue dans leur jardin, explique Romain Deschamps. Notre atlas ne vise pas la réalisation d’un inventaire très précis, mais une réelle prise de conscience de ce qui nous entoure. » À l’occasion de l'élaboration d'un atlas de la biodiversité communale, habitants et élus découvrent les « trésors » des lieux, ce qui peut, en outre, favoriser une meilleure prise en compte de la biodiversité dans les documents d’urbanisme : « le processus d’atlas, en lui-même, nous amène déjà à entrer en contact avec les élus, mais d’autres atlas ont montré qu’une fois réalisé, le travail sur les PLU, par exemple, était facilité », rapporte le chargé d’études.

L'EFFET RÉSEAU DES ÉCOACTEURS

Affiner ses connaissances sur la biodiversité du quotidien, participer à sa sauvegarde autant qu’à celle d’espèces plus exceptionnelles qui font la singularité d’un milieu, c’est en substance ce que souhaite faire le MAB France (Man and Biosphere) au moyen du réseau des écoacteurs qu’il a fondé. Mis en oeuvre dans les réserves de biosphère désignées par l’Unesco, ce dispositif a pour objectif de mobiliser les acteurs du territoire, quelle que soit leur activité (commerces, hébergement, etc.) , afi n de les faire participer concrètement au développement durable. « Tout le monde peut participer, explique Alice Roth, en charge des écoacteurs au MAB France, des personnes physiques autant que morales, à condition de vivre ou d’exercer une partie de son activité dans le territoire de la réserve. » Chaque volontaire est invité à élaborer et signer avec le MAB une série d’engagements environnementaux (comme l'utilisation de produits d’entretien écologiques dans un lieu d’accueil, la construction de toilettes sèches, pratiques agro-écologiques, etc.) dans son domaine. « L’idée est de s’engager sincèrement dans une démarche de progrès, peu importe le point de départ, poursuit Alice Roth. Au bout de deux à trois ans, l’éco-acteur évalue ses actions et discute, avec les autres, des diffi cultés qu’il a rencontrées pour réaliser certains de ses engagements. » Au-delà de leur plan d’actions à titre individuel, les écoacteurs sont également invités à participer à la vie de leur réseau local et national : « les écoacteurs se font ambassadeurs de la réserve lors de fêtes locales par exemple. Des réunions et des formations thématiques sont aussi organisées. Les échanges permettent parfois de trouver comment agir ensemble ou à son niveau pour la préservation de telle ou telle espèce. Ainsi des éleveurs de chevaux du Gard ont pu découvrir comment limiter leur usage de vermifuges ».

Découvrir les « trésors » des lieux, peut favoriser une meilleure prise en compte de la biodiversité dans les documents d'urbanisme.

Le nombre de participants peut sembler très disparate d’un territoire à l’autre, de 15 écoacteurs dans l’Audomarois où le dispositif a été engagé récemment, à plus de 60 dans la réserve de Fontainebleau. Mais « dans l’Audomarois, un collectif très impliqué et soudé s’est créé. Le réseau fait naître une sensibilité accrue à l’environnement et nous espérons que l’engagement de ces premiers écoacteurs fera tache d’huile », complète Alice Roth.