Ce qu'il faut retenir des nouvelles MAEC

 

Espaces naturels n°53 - janvier 2016

Droit - Police de la nature

Marie-Mélaine Berthelot

Destinées à infléchir l’intensification de l'agriculture ou la déprise agricole, les MAEC ont évolué. Voici quelques points de la réforme utiles à la culture générale des gestionnaires : mesures systèmes, projet de territoire, obligation de résultat...

La nouvelle PAC 2014-2020 a apporté des avancées concernant les MAE 1 . Après les OGAF, les OLAE, les CTE, les CAD et les MAET, on parle désormais de MAEC (C pour climatiques). Les intentions étaient de partir d’une logique de projets de territoire, qui va dans le sens d'une collaboration plus forte entre gestionnaires d'espaces naturels, agriculteurs et autres partenaires.

Le cadre national permet effectivement plus de concertation locale pour l’agro-écologie, de développer une démarche territoriale de projet, de faire des choix concertés de priorisation régionale des zones à enjeux, de faire le lien avec les territoires à enjeux inscrits par exemple dans les chartes de parcs, de raisonner à l’échelle de l’exploitation et non plus seulement à la parcelle.

Une des grandes nouveautés du dispositif est que les régions sont désormais autorités de gestion. Elles pilotent le développement des MAEC en collaboration avec les DRAAF (Directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt) et gèrent la répartition des fonds du fonds européen Feader. En respectant leurs documents cadre comme les SRCE (Schéma régionaux de cohérence écologique) et les demandes locales, elles doivent décider « d’ouvrir  » certaines mesures à la contractualisation, de définir les zones éligibles à ces mesures, puis flécher les crédits de cofinancements disponibles sur certaines zones. Charge à l’opérateur de trouver un cofinanceur local volontaire à hauteur de 25 % : État (en particulier sur Natura  2000), agences de l’eau, éventuellement des collectivités territoriales (régions, départements, communautés de communes...).

Les territoires de projet qui présentent notamment des enjeux eau ou biodiversité peuvent se positionner pour présenter un PAEC (Projet agro-environnemental et climatique). Il peut s'agir d'une collectivité territoriale mais possiblement aussi des chambres d'agricultures par exemple. Le PAEC se base sur un diagnostic de territoire. Il est notamment exposé en CRAEC (Commission régionale agro-environnementale et climatique), instance de débat et d’orientation. La Dreal est consultée, en particulier sur les zones Natura 2000.

« La démarche est plus pragmatique qu'auparavant dans la mesure où la vision est plus stratégique et plus concertée. On fait moins de saupoudrage » explique Emilie Lagrange de la DDT Dordogne. Pour certaines régions, c'est une vraie avancée tandis que pour d'autres c'était déjà largement le cas. « C'est le bon côté de la logique de projet » confirme Arnaud Six du PNR Périgord Limousin. Le PAEC doit permettre de fixer des objectifs concertés en termes de biodiversité de territoire. « Il faut aussi utiliser les effets leviers des MAEC, pour atteindre des objectifs de territoire. Il faut créer du lien entre ces démarches et ces outils.  »

RAISONNER À L'ÉCHELLE DE L'EXPLOITATION

Autre nouveauté : les MAEC système (voir ci-contre). Il s'agit de mettre en place des mesures non plus à la parcelle mais à l'échelle de l'exploitation. Les engagements ciblés restent toujours possibles et complémentaires, mais cette nouveauté incite à mener une réflexion plus globale. C'est avec cette même préoccupation que le syndicat mixte Vienne Gorre, par exemple, a pu commencer à travailler avec l'agence de l'eau sur la mesure « gestion des milieux humides  » (Herbe_13). Dans cette mesure, 80 % des zones humides en prairies permanentes de l'exploitation doivent faire l'objet d'un plan de gestion. «  C'est une bonne chose dans notre région de fond de vallée, où la ressource en eau est un enjeu. Cela intègre une vision globale de l'exploitation. C'est un outil qui va avoir plus d'impact pour la préservation de la fonctionnalité des zones humides agricoles  » précise Yohann Bappel.

« La configuration du Morvan fait que les agriculteurs ont des pratiques très extensives. Les cahiers des charges sont assez accessibles. Il y a une forte adhésion au dispositif et nous sommes submergés de demandes   » raconte Isabelle Civette, du PNR Morvan. Sur les quatre départements concernés, déjà 360 agriculteurs ont été formés, en collaboration avec les chambres d'agriculture. « Cela a ouvert un nouvel espace de dialogue avec les techniciens, mais aussi entre exploitants, ce qui était une très bonne chose.  »

Expérimentées sur de nombreux parcs naturels régionaux (cf. Espaces naturels n°44), les MAEC à obligation de résultats montent en puissance, du moins en intention. La MAEC systèmes herbagers et pastoraux, par exemple, s’appuie sur une logique de résultats pour identifier et définir les surfaces cibles de la mesure.

Se pose la question de l'économie du système dans la mesure où de nombreux exploitants ont un besoin quasi vital de ces aides. La PHAE (« prime à l'herbe  ») a disparu, alors qu'elle contribuait de façon importante au soutien économique des exploitations, selon les animateurs. Un objectif plus économique qu'écologique, selon l'UE, qui lui a valu d'être supprimée. L'année 2015, année de transition, est, à ce titre, particulièrement difficile car les agriculteurs ont déposé les dossiers en juin, ont commencé à travailler selon les cahiers des charges, et ne savent pas exactement si leurs engagements seront reconnus et, s’ils le sont, pour quels montants d’indemnisation. Une difficulté pour les animateurs agro-environnementaux, qui travaillent en confiance avec les exploitants, et ne peuvent rien garantir. Autre point, les acteurs soulèvent unanimement la question des disparités d'une région à l'autre. C'est ce qui a notamment été signalé lors du bilan fait par la Fédération des parcs naturels régionaux de France en fin d'année (voir ci-contre). L'accompagnement des agriculteurs et le financement de l'animation seront un enjeu central de 2016.

(1) Les mesures agroenvironnementales (MAE) recouvrent les mesures mises en place dans l’UE dans le cadre du second pilier de la politique agricole commune destinées à compenser financièrement la contribution à la qualité de l’environnement d’agriculteurs engagés pendant cinq ans sur un cahier des charges.