DE L'INTENTION À L'ACTION

Accompagner la prise de conscience

 

Espaces naturels n°69 - janvier 2020

Le Dossier

  Propos recueillis par Marie-Mélaine Berthelot

Les animateurs nature sont les premiers contacts des citoyens. Que voient-ils de la mobilisation citoyenne dans leur quotidien ? Réponses de Juliette Cheriki-Nort, consultante-formatrice, animatrice nature, art-thérapeute et auteure, et Sébastien Ansel, éducateur nature Eden62, président de la commission éducation de RNF.

Juliette Cheriki-Nort en sortie. © Joëlle Pautevin

Juliette Cheriki-Nort en sortie. © Joëlle Pautevin

QUELLE EST L'ÉVOLUTION DU MÉTIER D'ANIMATEUR NATURE ?

Juliette Cheriki-Nort : Le métier a en effet évolué. Sur les thèmes abordés, certes, mais aussi sur les fonctions. Les animateurs peuvent être des passeurs, des ambassadeurs, des médiateurs, des animateurs de démarche participative, de réunions publiques et de débats citoyens.

Sébastien Ansel : Pour moi, l'évolution, c'est d'abord dans le fait d'aller chercher d'autres personnes que celles qui viennent spontanément. On travaille avec des structures plus éloignées de nos sujets. Les arguments évoluent aussi. On parle davantage de bien-être et de cadre de vie. J'ai eu un déclic il y a quelques années. Une personne venait tous les matins à la réserve [ndlr : la Réserve naturelle nationale des étangs du Romelaëre]. Elle avait fait un AVC, et le lieu lui faisait du bien. On ne peut pas le mesurer scientifiquement, mais elle avait l'impression d'aller mieux. On doit montrer que dans la nature, protégée ou non, on s'épanouit.

CONSTATEZ-VOUS UNE PRISE DE CONSCIENCE ?

Sébastien Ansel : On constate chez les gens une prise de conscience importante des enjeux environnementaux, mais il y a toujours un fossé important entre ceux qui sont sensibilisés et ceux qui ne le sont pas. Mais les convaincus sont plus nombreux. Par exemple, pendant les vacances, nos sorties sont toujours complètes, ce qui n'était pas le cas auparavant. Et puis dans les échanges, je vois plus de parents de jeunes enfants. Ils souhaitent offrir un meilleur environnement à leurs enfants, mais aussi leur permettre de fréquenter la nature, d'être dehors. Ce n'est pas dans l'esprit d'en profiter en tant que consommateur.

Juliette Cheriki-Nort : Je suis effectivement assez impressionnée par la mobilisation actuelle des lycéens et des jeunes. De même, je suis souvent agréablement surprise de constater que de jeunes adultes se sentent concernés par les achats responsables, le jardinage, le faire par soi-même, le fait d'emmener ses enfants jouer dehors, etc. Cela dit, oui, dans les milieux aisés comme plus défavorisés, en milieu rural comme urbain, il me semble que la prise en compte de la nature ou de l'environnement dans les modes de vie et les choix de consommation n'est pas toujours acquise. Par ailleurs, les décisions politiques ne sont pas toujours suffisamment accompagnées de messages de compréhension et de sensibilisation. Les politiques publiques concernant la nature et l'environnement devraient toujours être accompagnées de démarches d'éducation et de sensibilisation qui en favoriseraient l'appropriation citoyenne.

L'éducation vise à l'émancipation et l'évolution de chacun et chacune, à ce que chaque personne soit le sujet de sa propre vie, et l'acteur de ses choix. Cela implique des démarches et techniques d'animation qui amènent les participants à sentir puis comprendre puis réfléchir puis imaginer leurs propres solutions et s'engager à leur mesure. Et, pour pouvoir mener ces démarches, l'échelle locale et concrète est importante : fréquenter et agir dans la réserve naturelle de proximité, rencontrer l'agriculteur biologique du village voisin, prendre part au comptage des oiseaux d'eau du lac où l'on se baigne habituellement, apporter des objets à la ressourcerie du bout de la rue.

COMMENT PENSEZ-VOUS QUE LES CHOSES VONT ÉVOLUER ?

Sébastien Ansel : Il y a aura toujours une frange de la population hermétique. Mais les modes de vie vont changer. Par exemple à la réserve, nous commençons à tisser des liens avec nos « voisins ». C'est une relation qu'on n'avait pas auparavant, mais pour cela il faut provoquer ces moments.

Juliette Cheriki-Nort : Je pense qu'il faut insister sur le fait que chacun doit agir à son échelle : l'habitant, le professionnel, l'enfant, l'adulte, la collectivité locale, l'entreprise, la région, le pays... Transformer les propos négatifs (« ça ne sert à rien, c'est aux politiques de faire ») en démarches individuelles et collectives de construction positive, d'engagement dans des actions (même petites) mais pérennes.