Financements en danger d'extinction
Quelle est la situation financière des associations naturalistes ?
Le GON est dans la même situation que de nombreuses associations en France. Les budgets régionaux ont été brusquement coupés en 2016 après de nombreuses années d'une étroite collaboration. Alors que nous pensions être identifiés comme un partenaire fiable et légitime, reconnu pour ses compétences et son investissement, tout a été remis en question suite aux élections régionales et au changement de majorité. Notre demande de subvention annuelle a donné lieu à une brève rencontre, mais pas de financement à la clef pour poursuivre la démarche du pôle faune au sein du Réseau des acteurs de l'information naturaliste (RAIN), la déclinaison régionale du SINP. Depuis 2008, la Région, qui était très proactive en matière environnementale, s’était en effet appropriée la thématique SINP. Nous pensions être dans une situation solide, d’autant qu’elle est reconnue par l’État et par le MNHN.
C'est pourtant tout le territoire qui profite du RAIN grâce à une mise à disposition des données naturalistes après validation scientifique. En effet, c'est souvent par méconnaissance qu'on détruit.
Quelles solutions avez-vous pu trouver ?
Nos autres partenaires continuent heureusement de nous soutenir. Nous sommes allés chercher des financements au niveau européen car nous avons la chance de bénéficier d’une trésorerie plutôt solide, ce qui est assez rare dans le monde associatif. Nous avons dû démultiplier les forces pour chercher d'autres partenaires et de nouveaux projets, ce qui augmente d’autant une charge de travail déjà importante. La conséquence, c’est que les salariés sont fatigués, même s'ils sont toujours très motivés et impliqués. Tous les coûts ont augmenté sauf les salaires. Par soucis du bien commun, nous continuons à donner l'accès gratuit à la base de données sans discrimination ; mais nous devrons peut-être, à terme, demander une contribution aux frais d'administration.
Comment voyez-vous l'avenir pour les associations comme le GON ?
C'est très compliqué à gérer parce que les associations sont finalement fragiles ; une fragilité que je ne soupçonnais pas. Les bonnes relations avec les chargés de mission des collectivités ne protègent pas de revirements décidés par les élus. Nous ne savons pas officiellement la raison de l'arrêt de la subvention. Les propos rapportés par la presse laissent comprendre que certains élus nous jugent comme étant politisés et anti-chasse ; ce que je récuse complètement. Je ne désespère pas que la situation s'améliore. Mais cela pose question sur l'avenir… et sur l’objectivité des choix opérés par les décideurs ! Il y a une grande frustration à voir que notre travail n'est pas reconnu alors qu'il a une véritable utilité publique.
Je m'interroge surtout sur la place réellement donnée à la protection de l'environnement dans les politiques publiques. Malgré tous les efforts des associations, on a la triste impression que cela n’est toujours pas devenu un vrai sujet de société alors que l’urgence est bel et bien là.
Le modèle de l'association doit aussi nécessairement évoluer : il est actuellement trop peu réactif alors qu’on nous demande de fonctionner de plus en plus en mode projet, avec des retours rapides et des rapports précis sur chaque euro dépensé. L'avantage des associations, c'était justement d'avoir du temps, de prendre du recul... Dans cette logique, on a de plus en plus de mal à financer du fonctionnement, l'accompagnement et la formation des bénévoles. Un comble sachant qu’environ 80 % des données naturalistes sont récoltées par des bénévoles ! Enfin, nous devons maintenant nous battre contre un courant de pensée qui tend à dire qu'on a suffisamment financé la connaissance et qu'il faut maintenant passer à l'action. D’une part, nous n’avons pas attendu pour passer aux actions concrètes, d’autre part comment évaluer la pertinence des actions sans la connaissance ?