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Profession : taxinomiste

 

Espaces naturels n°63 - juillet 2018

Management - Métiers

Le taxinomiste met en œuvre divers outils afin de caractériser les espèces et leur histoire évolutive. Le séquençage génétique en fait partie.

La taxinomie, ou taxonomie, est la science de la délimitation et du classement des taxons (espèces, genres, familles, etc.). Elle s’appuie sur la nomenclature, qui consiste à donner un nom aux taxons, et sur la phylogénie, qui étudie les liens entre les taxons. Depuis Linné, qui a inventé au XVIIIe siècle la nomenclature binominale qu’on utilise toujours, le métier s’est considérablement enrichi au gré des progrès scientifiques et techniques. Pour autant, ce domaine scientifique traverse une crise profonde : il y a de moins de moins de taxinomistes professionnels dans le monde, alors qu’il reste encore des millions d’espèces à découvrir.

Cette science, visant par exemple à découvrir d'éventuelles nouvelles espèces, articule à la collecte de terrain, un travail de description, intégrant les approches traditionnelles (morphologie, écologie, etc.), et les approches moléculaires plus récentes. Nicolas Puillandre se définit pour sa part comme un «  taxinomiste moléculariste  ». Tel un enquêteur méticuleux, il utilise le séquençage d’ADN pour décrire les taxons, les délimiter et proposer, pour les reconnaître, des outils accessibles aux acteurs de terrain. Il fait partie depuis 2013 de l’Institut de systématique, évolution et biodiversité du Muséum national d'histoire naturelle. Les taxinomistes de son genre suivent un parcours de formation classique menant à la recherche scientifique  : doctorat universitaire, thèse et plusieurs séjours postdoctoraux dans des laboratoires en France et à l’étranger.

 

UNE SCIENCE INTÉGRATIVE

Un taxinomiste devient, plus ou moins nécessairement, spécialiste d’un taxon. Nicolas Puillandre travaille sur les Conoidea, les cônes, un groupe de gastéropodes marins venimeux dont il décrit la diversité et le « succès évolutif ». Pour lui qui a participé à huit expéditions scientifiques depuis 2006, du Vanuatu à la Papouasie-Nouvelle-Guinée, « trouver une nouvelle espèce, c’est la routine  ». À la différence des chercheurs sur les mammifères, l’inconnu reste vaste pour Nicolas Puillandre : « on connaît aujourd’hui 5 000 espèces de Conoidea, mais on estime qu’il en existe 15 000.  » Le maître de conférences ne travaille pas seul, loin de là : « le taxinomiste old-school, qui opère seul au fond de son laboratoire, a tendance à disparaître. Notre travail s’organise désormais en réseau, chacun œuvrant dans sa spécialité : on envoie par exemple des spécimens à des collègues du monde entier pour progresser plus vite dans la description. »

Traditionnellement, une espèce se définit comme un groupe au sein duquel la reproduction est possible, donnant naissance à une descendance féconde. Mais la définition de l’espèce reste encore largement débattue. Dans ce contexte, des tests de croisement constituent un critère de délimitation décisif, mais pas toujours applicable. Nicolas Puillandre ne pouvant faire se reproduire les exemplaires de cônes qu’il récupère, il utilise en particulier le séquençage de gènes. D’une façon générale, explique-t-il, « la taxinomie est intégrative aujourd’hui  : plusieurs types de caractères (ADN, morphologie, comportement, écologie, etc.) sont combinés pour proposer des hypothèses d’espèces les plus robustes possible. La taxinomie se standardise, pour s’écarter de la dimension subjective qu’on lui reproche parfois  ». Mais attention, ajoute-t-il aussitôt  : «  Ça n’enlève rien au côté romantique du métier... Ce n’est pas qu’une affaire d’ordinateur, c’est aussi une histoire de feeling ! » 

(1) « Taxinomie » est d’origine française tandis que « taxonomie » est tiré du terme anglo-saxon. On privilégiera donc « taxinomie » dans cet article.