Un défi environnemental
Espaces naturels n°63 - juillet 2018
Les bactéries antibiorésistantes sont une menace importante pour la santé humaine. Elles sont présentes dans de nombreux écosystèmes.
L’antibiorésistance est la capacité acquise par une bactérie à survivre et se multiplier en présence d’un antibiotique auquel elle était initialement sensible. Concrètement, chez les bactéries pathogènes, c’est-à-dire à l’origine de maladies, l’antibiorésistance rend nécessaire l’utilisation d’un nouveau traitement pour guérir le patient infecté. Quand une même bactérie résiste à plusieurs antibiotiques (on parle alors de Bactérie multi-résistante ou BMR), le traitement devient difficile, voire impossible. En France, chaque année, plus de 150 000 personnes développent une infection liée à une BMR et plus de 12 500 en meurent1 . Ces chiffres pourraient rapidement augmenter si des efforts suffisants ne sont pas mis en œuvre pour limiter le développement des BMR. Les antibiorésistances entraînent également des impacts importants dans les filières d’élevage qui subissent, elles aussi, les coûts plus élevés des nouveaux traitements nécessaires. De plus, êtres humains et animaux domestiques peuvent échanger des BMR par contact direct, mais aussi indirectement, à travers la consommation de viande par exemple.
BACTÉRIES ANTIBIORÉSISTANTES ET MILIEUX NATURELS
Les BMR ont d’abord été étudiées au sein des populations humaines et des élevages, deux compartiments où leur sélection peut directement être induite par les traitements antibiotiques administrés. Cependant on s’est plus récemment aperçu que les BMR étaient aussi très présentes au sein de différents compartiments environnementaux incluant les milieux aquatiques, les sols et la faune sauvage2 . Les impacts directs, en termes de conservation, de la présence des BMR semblent à ce jour peu problématiques car la faune sauvage a rarement besoin de traitements antibiotiques. Cependant la présence de BMR et l’impact des activités humaines sur les écosystèmes sont intimement liés. En effet les BMR peuvent atteindre les milieux naturels, notamment à travers les effluents d’élevage et les eaux usées. De plus, une bactérie peut parfois utiliser un même mécanisme, pour se débarrasser d’un antibiotique ou de polluants tels que des métaux lourds. La pollution des milieux par d’autres contaminants que les antibiotiques peut ainsi contribuer à la sélection de BMR, ce qui pourrait devenir un nouvel argument de poids en faveur de l’amélioration de la qualité des eaux et des sols.
UN MONDE, UNE SEULE SANTÉ ?
La faune sauvage apparaît comme un indicateur de la présence de BMR au sein des espaces naturels. D’après les études disponibles, les espèces aquatiques ainsi que les prédateurs et les espèces dites anthropophiles (proches de l'être humain) seraient celles qui porteraient le plus souvent des BMR et pourraient donc servir de sentinelles de leur présence dans les écosystèmes3 . Elles pourraient également jouer un rôle dans le maintien et la dispersion des BMR en dehors des compartiments les mieux suivis que sont les populations humaines et d’animaux domestiques. L’antibiorésistance apparaît ainsi comme un enjeu complexe qui questionne notre capacité à mettre en pratique le credo « un monde, une seule santé » en travaillant conjointement à la compréhension et au contrôle de l’émergence des BMR chez l'être humain, dans les élevages et dans l’environnement. L’antibiorésistance fait partie des thématiques qui obligeront dans un futur proche les acteurs du monde de l’environnement et de celui de la santé à travailler ensemble et à aborder de concert les enjeux de santé publique et de conservation de la biodiversité au lieu de les opposer.
(1) J. Carlet, Pierre Le Coz, Tous ensemble, sauvons les antibiotiques - Propositions du groupe de travail spécial pour la préservation des antibiotiques. 150 p., 2015. (2) H. Soubelet, G. Morel, Antibiorésistance et environnement. Théma, Commissariat général au développement durable. 4 p., 2017. (3) M. Vittecoq et al. Review: Antimicrobial resistance in wildlife. Journal of Applied Ecology 53: 519-529, 2016.