Handicap

Pour un accueil à la hauteur des attentes

 

Espaces naturels n°63 - juillet 2018

Pédagogie - Animation

Concevoir les animations et aménagements destinés aux personnes en situation de handicap en partenariat avec les structures spécialisées est une condition sine qua non pour des initiatives pédagogiques adaptées.

La principale clé de réussite d'une activité pour public handicapé, c'est une façon d'être.

Si l’accès aux espaces et équipements publics pour les personnes handicapées reste trop limité en France, les espaces naturels font preuve, pour leur part, d’un engagement significatif en la matière. Plusieurs sites témoignent ainsi d’initiatives originales tant en termes de méthode d’animation que d’équipements, obligatoires pour les établissements ouverts au public. Le souci permanent des gestionnaires d’élaborer ces dispositifs en partenariat avec des organismes dédiés à l’accompagnement de personnes en situation de handicap fonde la pertinence de leur démarche. Sébastien Ansel, éducateur à l’environnement d'abord au sein du Parc naturel régional des Caps et Marais d'Opale puis aujourd'hui au Syndicat mixte espaces départementaux naturels du Pas-de-Calais (Eden62), crée depuis 1999 des animations destinées aux personnes en situation de handicap mental. Si sa méthode s’est affinée depuis qu’il a fait ses premiers pas en tant qu’emploi-jeune, son approche demeure la même : «  Aujourd’hui encore, quand je dois monter un nouveau projet, mon premier réflexe est d’aller à la rencontre des personnes que je vais accueillir en me rendant dans la structure qui les suit. On boit un café ensemble, on discute. C’est simple, mais ça permet de faire connaissance et d’effacer d’éventuelles appréhensions des deux côtés.   » L’éducateur à l’environnement, qui organise des animations à la Réserve naturelle nationale des étangs du Romelaëre pour des adultes et enfants en situation de handicap mental, tente ainsi d’établir les conditions d’une confiance et d’un dialogue mutuels : «  Je sais comment fonctionne le groupe, et chacun trouve la bonne distance. Je me fais accepter, et les usagers abordent la sortie nature sans stress, ce qui leur permet d’en profiter pleinement. » Prendre le temps de faire tomber les barrières, être ouvert à son public, c’est aussi ce que conseille Thibault Pauwels, responsable de la cellule «  éducation, formation, écocitoyenneté » du Conservatoire botanique national de Bailleul. Selon lui, qui accueille des adultes et des enfants souffrant de déficits mentaux plus ou moins importants, la principale clé de réussite d’une activité pour un public handicapé, «  c’est une façon d’être plus qu’un contenu. Il faut nouer un contact, créer une relation. » Une étape parfois délicate à passer puisque, note-t-il, «  certains animateurs n’y parviennent pas. »

 

TROUVER SA PLACE

Puis vient le temps de la préparation avec l’équipe d’éducateurs. «  Lors de la première rencontre, explique Thibault Pauwels, je sollicite l’éducateur en charge du groupe que je vais accueillir mais aussi le responsable de la structure d’accueil, l’idée étant de définir, à plusieurs, les axes sur lesquels nous souhaitons travailler, en fonction du type de handicap des usagers.  » Là aussi, une confiance commune s’impose comme préalable au bon déroulement du projet d’animation. «  Je souhaite comprendre avant tout comment l’éducateur projette son groupe dans l’animation, poursuit Sébastien Ansel. Mais il arrive que les éducateurs spécialisés brident un peu d’emblée les modalités, de crainte que ça ne fonctionne pas. Or, un animateur s’avère parfois capable de faire réagir différemment les personnes, de les emmener plus loin que ce que les éducateurs imaginaient. Il faut alors savoir prendre complètement l’organisation de l’animation en main, faire comprendre qu’une animation nature ouvre de nouveaux terrains. » Selon le type de trouble, l’équipe associant éducateurs et animateur cerne le périmètre des activités possibles, pour des groupes réunissant entre cinq et dix personnes : « pour des adultes au handicap mental léger, pas autonomes mais avec lesquels l’on peut avoir une discussion, on s’oriente par exemple vers des balades leur permettant de découvrir la nature dans une démarche de bien-être ; pour un groupe de jeunes autistes qui n’ont pas ou peu de langage verbal, nous imaginons plutôt des activités autour des sens.  » Pour ce faire, Thibault Pauwels adapte par exemple des outils que les structures d’accueil utilisent déjà : la «  boîte à toucher » consiste à faire découvrir un objet à l’aveugle, idem avec la « boîte à odeurs ».

 

SOIGNER LES DÉTAILS

Généralement, les projets pédagogiques destinés à un public de personnes en situation de handicap conduisent plutôt à mettre en œuvre des dispositifs ad hoc. Tel est le cas des aménagements répondant à une contrainte de handicap moteur. Le CPIE Côte provençale a ainsi configuré son sentier de randonnée subaquatique situé sur un site du Conservatoire du littoral à Saint-Cyr-sur-Mer afin qu’il puisse bénéficier aux personnes à mobilité réduite. Unique en son genre en France, celui-ci est équipé d’un cheminement en bois et caillebotis conduisant jusqu’à un ponton qui facilite la mise en l’eau depuis un fauteuil roulant. Grâce à cet équipement, l’animation, qui consiste à faire découvrir à partir de 6 ans les petits fonds marins à l’aide d’un équipement simple (masque, palmes, tuba et combinaison), peut rassembler dans une même session des publics valides et handicapés. Même si, précise Mathieu Girard, animateur en charge de ce sentier marin au CPIE, « le contenu et la durée de l’activité varient en fonction des publics  ». Afin de valider cet aménagement en place depuis 2013, le CPIE Côte provençale a fait appel à l’association « Voile au large de Marseille » œuvrant dans le domaine nautique : « le schéma initial avait été conçu par le CPIE et la mairie de Saint-Cyr-sur-Mer mais tant qu’il n’avait pas été testé, on ne pouvait être sûr que la conception convenait parfaitement. L’association est intervenue en tant qu’experte afin de confirmer que les choix étaient bons tant pour l’accès à l’eau que pour le contenu de l’animation.  » Depuis, les randonnées subaquatiques ne désemplissent pas.