Observer

L’oeil du drone à tout faire

 

Espaces naturels n°65 - janvier 2019

Le Dossier

Au-delà du suivi des sites naturels, les drones ont élargi les champs des possibles dans le domaine de l’observation et de l’intervention sur les espaces, depuis le documentaire jusqu’à la police.

La baie de l'Aiguillon vue depuis un drone. © DR

La baie de l'Aiguillon vue depuis un drone. © DR

La Terre vue du ciel de Yann Arthus- Bertrand constitue un marqueur dans l’histoire récente de la production d’images sur les espaces. Depuis, les prises de vue aériennes se sont développées et rares sont désormais les reportages et documentaires traitant peu ou prou d’un territoire qui n’en usent pas. L’apparition des drones dans le domaine civil n’y est évidemment pas pour rien. Leur prix et leur technicité accessibles ont fait oublier les onéreux vols en hélicoptère de Y. Arthus-Bertrand.

Chef opérateur(1), Eric Billon a fait ses premiers pas dans le domaine de l’image de nature « avec des cerfs-volants et des avions télécommandés », se souvient-il. Quand les premiers drones grand public ont été mis en vente dans le milieu des années 2000 par DJI, précurseur en la matière et qui domine aujourd’hui le marché mondial, le réalisateur brestois a investi et s’est formé pour devenir « droniste ». Une compétence très demandée à l’époque par ses premiers clients, alors qu’il réalisait des films institutionnels : « Pour un film tourné dans le cadre d’un Life sur l’impact de la pêche à pied, on passait d’images macro sur les étrilles à l’estran vu d’en haut. Ça avait du sens pour illustrer le propos. » Maintenant qu’il travaille pour la télévision, Éric Billon constate que « toutes les boîtes de production demandent si on peut tourner avec un drone. » Au point d’en arriver selon lui à « une surutilisation » : « Le drone correspond en image à l’arrivée de la GoPro. Au bout d’un moment, on en voyait partout. S’est alors posée la question de l’utilité de ces plans. Quand je tourne dans un lieu, je m’efforce de proposer des plans larges depuis le sol, qui durent, et qu’on a le temps de regarder. » La simplicité d’usage d’un drone peut faire oublier la gêne qu’il peut occasionner, c’est pourquoi le réalisateur s’interdit par exemple de faire voler ce type d’appareil « au-dessus de zones où nichent des oiseaux ou à proximité d’un troupeau ».

UNE PRÉCISION ACCRUE, À MOINDRE COÛT

Autre domaine que l’oeil des drones a fait progresser significativement : la cartographie et la modélisation de terrain. La photogrammétrie aérienne, qui permet à partir de prises de vue d’en haut, de cartographier un espace, en deux ou trois dimensions, a fait des bonds. « Les drones permettent d’obtenir, pour un prix de revient bien moindre qu’avant et au cours d’un même survol, des photographies La baie de l'Aiguillon vue depuis un drone. © DR aériennes et un relevé topographique très précis », explique Sébastien Astier qui a fondé en Ardèche la société Sig-drone spécialisée en système d’information géographique.

Les drones peuvent s'imposer comme de puissants outils de surveillance.

Comme du temps des prises de vue par avion, la précision des données dépend de la hauteur de vol, la première étant inversement proportionnelle à la seconde. Avec une différence toutefois, souligne le cartographe, « des photos très précises génèrent des fichiers numériques très lourds et très nombreux, qui nécessitent parfois de faire des compromis. » Photographies aériennes sur un espace naturel sensible, modélisation cartographique d’un risque d’inondations dans une vallée, levée topographique terrestre, les applications des drones sont nombreuses pour le corps de métier de Sébastien Astier. En fonction du matériel embarqué, le drone ne peut cependant pas tout voir, évidemment : « Les relevés topographiques ne sont possibles que lorsque la végétation est peu dense, sinon on modélise le haut de celle-ci !, précise-t-il, Dans ce cas, il faut utiliser un laser, dont le rayon traverse la végétation, pour faire les mesures. Mais cela augmente beaucoup le coût. »

UN NOUVEAU MODE DE SURVEILLANCE

Cela n’aura échappé à personne, les drones peuvent s’imposer comme de puissants outils de surveillance. C’est ce qu’expérimente actuellement la Direction des affaires maritimes du ministère de la Transition écologique et solidaire pour le suivi des pêches et plus largement des espaces marins. « La surveillance aérienne des mers, par hélicoptère ou avion, est aujourd’hui effectuée par d’autres administrations et pas au sujet de la pêche, précise Hugo Carpentier en charge des essais. Mais face à l’émergence des drones, nous souhaitons évaluer leur intérêt pour nos actions en faveur du respect des réglementations de pêche et de la préservation des ressources. » Fraîchement de retour d’une campagne de tests dans les baies de Seine et de Saint-Brieuc, mais aussi sur le littoral guyanais, où les pêches illégales sont fréquentes, ce dernier mûrit un avis plutôt positif au sujet des drones pour le contrôle des activités maritimes. Et ce, au-delà du suivi des pêches : « Nous pourrions aussi repérer des traces d’hydrocarbures en surface grâce à des capteurs infrarouges, surveiller les falaises à risque d’effondrement ou plus généralement les zones difficiles d’accès. » Et finalement, poursuit-il, « le drone révèle des atouts écologiques également puisque sa consommation en carburant est bien inférieure à tout type de bateaux ». Les appareils qu’Hugo Carpentier a fait tester, d’une envergure de 4 m, classés dans la catégorie des « mini-drones », pour une charge utile de moins de 25 kg, n’avalent que 0,6 l d’essence aux 100 km parcourus et offrent ainsi une autonomie de 7 à 8 heures(2). De quoi séduire le ministère.

(1) www.ericbillon.fr
(2) Portée théorique d’un rayon de 40 à 50 km, vitesse de déplacement de 100 à 110 km/h.
(3) Équipement d'une remontée mécanique en juillet 2018, la première en France : youtu.be/RQzOFBpa05k.