On doit former des honnêtes gens, il faut qu’ils sachent réfléchir avant tout.

 

Espaces naturels n°63 - juillet 2018

Portrait

Depuis la rentrée scolaire 2017, Marc Lutz a deux vies professionnelles. Chef du service biodiversité et gestion de l’espace au Parc naturel régional des Monts d’Ardèche depuis huit ans, il enseigne désormais à l’université Lyon 2 au sein du master Gestion des territoires et développement local pour près d’une centaine d’heures d’équivalent TD par an. Si cette double activité l’oblige à parcourir des kilomètres, sur le fond, Marc n’a pas fait le grand écart. « J’enseigne l’évaluation des politiques publiques, la méthodologie de gestion de projets ou encore la place de l’Europe dans les campagnes », détaille le géographe de formation, aujourd’hui âgé de 45 ans. Celui-ci s’est tourné vers l’université, « pour [se] confronter au regard des étudiants et des universitaires, pour questionner sous un autre angle nos pratiques dans les espaces ruraux et naturels et faire émerger des idées nouvelles ».

 

THÉORIE ET PRATIQUE

Entré à la faculté en tant qu’enseignant associé, dans le cadre du dispositif PAST (professeurs associés à temps partiel), il ambitionne d’apporter « un regard de professionnel ». « Les professeurs enseignent davantage la théorie. Nous, on aborde les cours en plaçant les étudiants en situation pré-professionnelle, ce qui prépare leur intégration future », indique-t-il. Quitte à adopter «  un regard assez cru sur les réalités du développement rural  ». À ses étudiants voyant dans les Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (Amap) la panacée pour sauver l’agriculture en difficulté, il fait ainsi rencontrer des paysans fournisseurs de paniers, qui travaillent beaucoup pour gagner peu. Aux futurs chargés de mission en collectivité, il témoigne que l’instruction d’un dossier Leader est extrêmement compliquée, et partage son expérience de dispositifs européens qui nécessitent une ingénierie de plus en plus complexe. «  Mais mon idée n’est pas de leur transmettre une vision sombre, il y a de belles histoires à raconter aussi! », précise celui qui entend éviter de former « des gestionnaires de projet tous interchangeables et qui perdraient en spécialisation. » Son intime conviction ? « On doit former des honnêtes gens, il faut qu’ils sachent réfléchir avant tout  ». Voilà pourquoi Marc Lutz consacre un temps de débat lors de chacun de ses cours.

 

FAIRE ÉMERGER DES VOCATIONS

Les enseignants associés sont des professionnels recrutés à l’université pour des contrats de trois ans renouvelables trois fois, dont le volume horaire est variable. Ce qui nécessite, en creux, que leur employeur accepte de se séparer temporairement d’eux. Pour Marc Lutz, le passage à temps partiel au PNR s’est opéré assez facilement : « le Parc renouvelait son conseil scientifique et souhaitait tisser des liens plus étroits avec l’université. Et côté master, l’université m’a permis de concentrer mes heures afin de réduire les déplacements. »

Un poste d’enseignant associé «  demande une réelle adaptation personnelle », précise Marc Lutz, car il faut préparer des cours, apprendre à les animer et à accompagner les étudiants, notamment dans leur recherche de stage. «  Ce qui représente au moins autant de temps que la présence en cours, voire le double », explique-t-il. Pour sa part, ayant déjà enseigné auparavant, il a pu élaborer ses TD plus rapidement. «  Il y a une sorte de filiation entre le poste à l'université et ce que j’ai fait avant. J’ai toujours eu un penchant pour la transmission des savoirs  », explique-t-il. Avant de travailler à la Tour du Valat en tant que chargé de mission sur les zones humides entre 2002 et 2008, il a effectué des missions au Burkina Faso pour l’ONCFS, après une expérience en coopération au Tchad. « On formait des gens à identifier des oiseaux, autant des ornithologues que des habitants volontaires, sur un mode de science participative. On accueillait de jeunes gars avec un œil d’enfer, c’était très motivant ! », se souvient Marc Lutz, qui n’a rien perdu de son enthousiasme.