Des interdisciplinarités à renforcer
Espaces naturels n°59 - juillet 2017
Frédéric Blanchard, directeur Missions Biodiversité, Collectivité territoriale de Guyane, frederic.blanchard@ctguyane.fr
Les collectivités ont un rôle clef dans l'élaboration d'indicateurs et de cartes. L'interdisciplinarité doit permettre d'en faire des outils d'aide à la décision. La technologie doit s'effacer au profit de l'action pour la biodiversité.
Depuis quelques années, le législateur n’a cessé de renforcer la place des collectivités territoriales sur les questions de biodiversité. L’enjeu stratégique des données et des bases de données en fait partie. L’élaboration d’indicateurs et de cartes sont donc clés. L’amélioration de la prise en compte de ces outils d’aide à la décision questionne autant l’élu que l’agent administratif ou technique. L’inflation récente des textes a amené un flou sémantique sur la « donnée » et les politiques de mise à disposition. La loi pour la Reconquête de la biodiversité (RBNP) parle de « données brutes », puis d’« informations et connaissance » sur le volet Accès aux Ressources génétiques et au Partage des Avantages. La même loi modifie le Code de la recherche sur le volet marin et cible les « renseignements et données recueillis ».
La fiabilité des données est également un point essentiel : la donnée en tant qu’élément objectif peut contribuer à apaiser les conflits d’usages. Les exemples sont légions et connus de tous (Natura 2000, chartes, mesures compensatoires, etc.). Les interfaces utilisateurs doivent également mieux s’adapter à des publics qui se diversifient. Celles-ci, souvent perçues comme trop naturalistes, restent conçues par ceux qui produisent et gèrent la donnée : que fait ce maire face à ces dizaines de cartes de répartition d’espèces représentées sur des mailles qui quadrillent sa commune ? Et les mailles proposées s’agrandissent quand les enjeux augmentent ! Les discussions autour de la diffusion des données d’espèces sensibles se concentrent donc sur la question des floutages géographiques en augmentant les tailles de maille. Or, il apparaît que la précision géographique est plus pertinente pour un élu que la précision taxonomique : le floutage taxonomique, peu exploré, pourrait être une piste à creuser. Par ce simple exemple, ce sont toutes les questions sur les indicateurs, l’interopérabilité et les interfaces qui sont posées. Les sociologues auraient une place de choix ici.
La Loi RBNP va également profondément modifier la gouvernance avec une agence nationale (AFB) et des agences régionales (ARB). Ce paysage, qui hésite entre déconcentration et décentralisation, interroge évidemment les collectivités. L’architecture des observatoires et des plateformes sera donc impactée. On le voit, les axes de progression et de clarification (architecture, interfaces, statuts juridiques, etc.) sont donc importants même si les résultats obtenus récemment par les réseaux sont remarquables. La voie de l’interdisciplinarité (juristes, statisticiens, etc.) doit se renforcer, s’ouvrir (sociologues) et s’associer avec d’autres types de données sur la nature qui émergent (services écosystémiques). Ces améliorations seront essentielles, autant pour le grand public que les élus, qui sont confrontés à des décisions de plus en plus complexes. N'oublions pas qu’au final, l’action pour la biodiversité doit primer et la donnée, comme sa technologie, doit pouvoir s’effacer à son profit.