Vous aussi, vous voudrez votre atlas de la biodiversité

 

Espaces naturels n°37 - janvier 2012

Aménagement - Gouvernance

Thierry Mougey
Fédération des PNR de France
Christine Le Mounier
Fédération des PNR de France
Justine Roulot
Ligue Roc
Laurent Poncet
Muséum national d’histoire naturelle

Basés sur le volontariat, les atlas de la biodiversité sont des outils utiles à la prise de décision en matière de gestion du patrimoine, d’aménagement ou d’urbanisme.

Réunir dans un seul document un ensemble de données, les analyser, les cartographier… L’atlas de la biodiversité ou du patrimoine naturel, puisqu’il s’agit de lui, n’est pas un « dossier de plus » mais un outil d’aide à la décision. Plus de cinq cents communes françaises se sont déjà laissées séduire. Les structures ayant un rôle d’accompagnement dans la gestion des territoires et dans la sensibilisation à l’environnement sont souvent à l’initiative de tels projets.

Usage. La première utilisation des atlas est liée aux documents d’urbanisme. En témoigne Marie-Jo Chaléat, adjointe au maire à l’époque dans la commune de Saint-Martin d’Uriage (Isère) : « Plus de 80 % de notre territoire est classé en zone naturelle et agricole. La prise en compte du patrimoine naturel dans le PLU s’imposait. La démarche nous a permis de légitimer nos choix en matière d’urbanisme et d’établir notre trame verte et bleue communale. » Architecte, Isabelle Rivière a utilisé des atlas communaux réalisés sous l’impulsion du PNR du Gâtinais français. « Ils ont été d’un apport précieux pour les volets biodiversité des PLU ; ils ont aidé à la cohérence du zonage. »

Accompagnement. L’atlas fournit également des informations pour des plans simples de gestion ou des plans d’aménagement en forêt. Ils permettent de définir des mesures agri-environnementales territorialisées ou encore un schéma régional de cohérence écologique… C’est un outil d’accompagnement intéressant lorsqu’on élabore un Sage ou un document d’objectifs Natura 2000. L’atlas est aussi l’occasion de rappeler la réglementation liée à la biodiversité : statuts des espèces, protection de certains espaces…
Et, si les contenus des atlas sont variables, la récente démarche Atlas de la biodiversité dans les communes (ABC) fournit un cadre, des outils et des moyens (cf. encart).
En termes d’aménagement du territoire, l’échelle communale est pertinente. L’échelle intercommunale, elle, permet de mutualiser coûts et efforts, à condition de conserver un niveau de précision similaire.

Première étape. Elle consiste à réaliser un bilan de l’état des connaissances en mobilisant l’ensemble des données naturalistes disponibles. Une source de données publiques est constituée par le Portrait de la biodiversité communal qui sera progressivement disponible pour toute commune française.
Les inventaires à réaliser dépendront des compétences naturalistes disponibles, du budget, de l’état initial de la connaissance… Inventorier et cartographier les milieux naturels est indispensable mais pour la faune et la flore, l’exhaustivité ne sera pas possible, il faudra faire des choix. Il conviendra ensuite de hiérarchiser les données obtenues pour définir les enjeux (cf. encart).
Il est essentiel d’impliquer les élus et les acteurs locaux dès l’amont et tout au long du programme. Créer un comité de suivi qui regroupera les membres du conseil municipal, des experts locaux, des personnels des services techniques communaux, des acteurs socio-économiques et associatifs intéressés, des enseignants ou tout habitant motivé est un gage de réussite et d’utilisation ultérieur de l’atlas.

Impliquer. Lucile Mettetal, adjointe au maire de Maurepas (Yvelines), évoque avec enthousiasme le moment fort d’une restitution : « Lors de la présentation du diagnostic à la population, la salle municipale était comble ! Le changement de regard de la population sur la nature se traduit dans la façon dont les habitants entretiennent leurs jardins ou leurs balcons. Quand la ville entreprend des projets d’aménagement ou la construction de bâtiment, l’étude d’impact environnemental se fonde sur le diagnostic. » Cette dynamique a aussi entraîné une collaboration avec les professeurs du lycée et leurs élèves.
Lors du choix des inventaires naturalistes à mener, des espèces éventuellement abondantes mais à caractère emblématique peuvent permettre d’accrocher les acteurs locaux à la démarche (liste à définir avec eux).
Faire en sorte que les acteurs locaux, notamment des propriétaires et gestionnaires (agriculteurs, chasseurs…), puissent être présents pendant certaines phases d’inventaires est important. Pas d’angélisme cependant : l’animateur de la démarche d’atlas se retrouvera parfois confronté à des refus. Mieux vaut ne pas les forcer que d’avoir une opposition qui bloque l’ensemble du projet.

Témoignage. Optimiste, Vincent Nigou, de la Chambre d’agriculture du Cantal, relève : « La démarche d’inventaires des zones humides conduite par le syndicat mixte de bassin a permis de donner une information pertinente aux agriculteurs et de les accompagner dans la prise en compte de cet enjeu. C’est aussi un cadre d’échanges. Des plans d’épandages ont pu être adaptés. Cela nous a été utile pour appliquer des préconisations du Schéma d’aménagement et de gestion des eaux. »
La réalisation d’un atlas est aussi, souvent, l’occasion d’instaurer des partenariats avec les organismes en possession de données naturalistes ou avec des acteurs pour accompagner la gestion d’espaces.
L’organisation de sorties nature, la mise en place de programmes de sciences participatives constituent des démarches facilitatrices.
Et si la biodiversité est souvent présentée comme une contrainte, l’atlas révèle le patrimoine et des ressources naturelles de la commune à préserver et valoriser. •