FISCALITÉ

Exonération de la TFNB : une mesure à affiner

 

Espaces naturels n°51 - juillet 2015

Droit - Police de la nature

Guillaume Sainteny, École polytechnique
Thierry Mougey, Fédération des PNR de France

Depuis quelques années, des mesures fiscales sont prises en faveur du patrimoine naturel. C’est le cas avec l’exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties. Mais la situation mérite d’être clarifiée et stabilisée.

La taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFNB) est un impôt dû annuellement par tout propriétaire (hors DOM) d'un terrain ne supportant aucune construction au 1er janvier de l'année d'imposition. Cette taxe concerne les prairies, cultures, jardins, chemins de fer…

La TFNB comprend une part communale et une part intercommunale. Pour une terre agricole prise à bail, une fraction du montant de la TFNB est reportée sur le preneur.

Non pour des motifs écologiques mais considérant qu’un terrain boisé n’est plus source de revenu durant un certain temps après exploitation, il existe une exonération pour certains types de futaies et taillis sous futaie : après cumul des différents impôts, la rentabilité nette est souvent négative pour les parcelles de milieux naturels, ce qui incite le propriétaire à rendre constructible sa parcelle, à en intensifier l’usage, ou à la boiser.

En 2005, le législateur a souhaité étendre l’exonération de la TFNB aux zones humides agricoles et aux terrains situés dans les sites Natura 2000. Cette exonération, valable 5 ans, éventuellement renouvelable, est soumise à 2 conditions :

• la parcelle doit figurer sur une liste dressée par le maire de la commune (pour les zones humides) ou le préfet (sites Natura 2000) ;

un engagement de gestion doit être signé (co-signé par le bailleur et le preneur pour les parcelles données à bail) : non-retournement des parcelles et préservation de l’avifaune, sans exclure la pratique de la chasse (pour les zones humides) et signature d’un contrat, d’une MAEC ou d’une charte (pour les sites Natura 2000).

Cette exonération a par la suite été étendue aux parcelles exploitées en agriculture biologique.
Pour compenser le manque à gagner, l’État s’était engagé à verser aux communes et intercommunalités une somme équivalente, via la dotation globale de fonctionnement.

LE CAS DES SITES NATURA 2000

Cependant, pour les sites Natura 2000, en 2009, un coefficient de minoration fixé au niveau national a été introduit, induisant le fait que les collectivités perçoivent une compensation qui diminue progressivement : 83 % en 2009 pour arriver à 29 % en 2015 ! L’impact financier est important pour certaines petites communes rurales, par exemple lorsqu’elles ont sur leur territoire une vaste forêt domaniale faisant l’objet d’une charte Natura 2000.

Cette situation met en porte-à -faux les structures animatrices de documents d’objectifs qui ont relayé dès 2005 la parole de l’État et incité les acteurs locaux à signer des « engagements de gestion ». L'exonération représente un budget d'environ 1 million d'euros, montant très faible selon le Ministère des Finances et des Comptes Publics. Mais Bercy craint que la solution qui serait adoptée pour Natura 2000 ne fasse « tache d'huile » pour d'autres exonérations qui seraient plus coûteuses. Les 3 scénarios possibles pour une « sortie de crise » sont : la suppression du coefficient de minoration (compensation à 100 %), le maintien du coefficient mais avec une sortie du dispositif des établissements publics propriétaires (le Conservatoire du littoral a d’ores et déjà décidé de ne pas demander l’exonération de la TFNB pour ses terrains) ou la suppression de l'exonération de la TFNB.

ET POUR LES ZONES HUMIDES ?

La loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux avait également introduit une exonération de 50 % de la TFNB pour les zones humides agricoles, portée à 100 % pour les propriétés situées en parc naturel régional, parc national, réserve naturelle, site inscrit ou classé, zone de protection de captages d’eau potable... Comme pour Natura 2000, un coefficient de minoration a été introduit en 2009. Début 2010, 165 communes de 13 départements, dont 132 de Charente maritime et du Maine et Loire, utilisaient cette mesure. Puis, l’exonération a été supprimée en 2014. Le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages comprend une disposition qui permettrait à nouveau l’exonération de la TFNB en zones humides agricoles et même l’étendre à l’ensemble des zones humides.

Par ailleurs, ce sont les communes qui doivent établir la liste des parcelles éligibles. On peut interroger la pertinence de cette disposition, car elles n’ont, le plus souvent, pas les compétences ni les moyens pour ce faire et peuvent considérer le sujet comme politiquement sensible. Cette désignation ne pourrait-elle pas être faite par les services de l’État, dans une logique de « présomption de zones humide » pour les parcelles en site Ramsar ou correspondant à des forêts alluviales déjà identifiées par exemple dans les plans simples de gestion ? ll serait également souhaitable de regrouper l’ensemble des zones humides dans une seule catégorie fiscale (dispersées dans huit catégories à ce jour). Les tourbières, par exemple, sont dans la catégorie 7 avec les carrières, ardoisières et sablières !

Si les gestionnaires de milieux naturels saluent une avancée dans la reconnaissance du patrimoine naturel au même titre que le patrimoine culturel, ils ont besoin d’une situation clarifiée et stable et que l’État assume pleinement ses politiques (directives européennes, plan national d’action en faveur des milieux humides...) sans en faire supporter financièrement le poids aux communes.