Préserver la biodiversité, c’est aussi protéger la santé

 

Espaces naturels n°47 - juillet 2014

Études - Recherches

Gilles Pipien, Benjamin Roche et Justine Roulot

Dans le monde scientifique, il existe un véritable domaine de recherche construit autour de la problématique « d’écologie de la santé ». De nombreux travaux scientifiques récents nous disent que de la qualité de la biodiversité dépend la qualité de notre santé. L’éradication, parfois utilisée pour éliminer des espèces vecteurs, aggrave la situation. Au contraire, la biodiversité est une protection.

Préserver la biodiversité, c’est aussi protéger la santé Dans le monde scientifique, il existe un véritable domaine de recherche construit autour de la problématique « d’écologie de la santé ». De nombreux travaux scientifiques récents nous disent que de la qualité de la biodiversité dépend la qualité de notre santé. L’éradication, parfois utilisée pour éliminer des espèces vecteurs, aggrave la situation.

Au contraire, la biodiversité est une protection. Face à des maladies comme le chikungunya, le paludisme ou la grippe aviaire, certains brandissent le spectre de maladies émergentes ou importées. Le réflexe de l’éradication urgente mobilise alors les politiques et les décideurs. Or les recherches scientifiques montrent que c’est l’action humaine qui aggrave, voire qui est à l’origine de situations problématiques. Prenons l’exemple des maladies humaines à transmission vectorielle comme la dengue, le paludisme ou la fièvre jaune qui sont transmises par un vecteur comme le moustique. Les travaux scientifiques montrent qu’il peut exister ce que l’on appelle l’« effet de dilution » : dans un milieu donné, plus les hôtes et les non - hôtes d’un parasite sont nombreux et variés, plus la prévalence (le nombre de cas de maladies présents à un moment donné dans une population) est faible.

En conséquence, plus le risque de transmission aux animaux domestiques ou à l’homme est faible (voir ci-dessus). La biodiversité peut donc constituer une protection. Plus un écosystème est riche, moins un pathogène pourra aisément s’y installer. En revanche, dans un milieu pauvre en biodiversité, le pathogène s’adapte aux quelques espèces présentes et sa prévalence s’élève. Il a donc une probabilité plus grande d’infecter les hommes, notamment si ceux-ci se trouvent à proximité de zones infestées. Ainsi, une réduction de la biodiversité entraîne une perte des fonctions de régulation de la transmission des pathogènes, augmentant ainsi les risques infectieux.

Cet effet est plus courant que ce que l’on aurait pu penser. Le cas le plus flagrant concerne la maladie de Lyme qui est en pleine recrudescence en Amérique du nord. Transmise par une espèce de tique à de petits mammifères et à l’homme, cette maladie est responsable de 20 000 cas humains aux États-Unis chaque année. Or, les états américains possédant la plus forte diversité en petits mammifères sont ceux où la prévalence de la maladie de Lyme est la plus faible. Les mêmes constats sont observés dans l’élevage industriel: l’homogénéisation génétique des animaux d’élevage pour des objectifs de rentabilité ou pour des raisons de résistance aux maladies, rend les bêtes particulièrement sensibles aux maladies infectieuses (peste porcine, fièvre aphteuse), nécessitant l’isolement et le confinement des animaux.

Deux associations, Humanité et Biodiversité et l’association Santé, environnement, France se sont saisies de ces sujets, et ont publié en 2013 l’ouvrage collectif Notre santé et la biodiversité (cf p.17) qui se termine par un Appel pour la santé du vivant. En réponse, le ministre de l’Ecologie a demandé un rapport sur la thématique établi par le Conseil général de l’environnement et du développement durable, qui préconise notamment l’établissement d’un volet « santé et biodiversité » dans le futur plan national santé environnement (PNSE 3). Reste à surveiller que ces préconisations soient effectivement suivies d’actions.