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Parcs zoologiques et Espaces naturels protégés : quelles relations ?

 

Espaces naturels n°63 - juillet 2018

Aménagement - Gouvernance

Les établissements zoologiques et les espaces naturels protégés ont ceci de commun : ce sont des gestionnaires de la nature. En enclos dans un cas, en liberté dans l’autre. Depuis quelques années, des collaborations entre ces deux « mondes » apparaissent en France.

Le Gypaète barbu a été réintroduit dans les Alpes grâce à une reproduction en captivité dans un zoo alpin d'Autriche.

Le Gypaète barbu a été réintroduit dans les Alpes grâce à une reproduction en captivité dans un zoo alpin d'Autriche.

La France abrite trois cents établissements zoologiques aux profils très variés : zoos de centre-ville, aquariums, safari parcs… et aussi des espaces de rewilding1 (élevage de chevaux de Przewalski sur 300 hectares dans les Cévennes par exemple). La centaine d’établissements membres de l’Association française des parcs zoologiques (AFdPZ) attire 20 millions de visiteurs par an, qui viennent observer 68 000 animaux dont 22 000 oiseaux, 21 000 poissons et 17 000 mammifères. Des espèces charismatiques côtoient des espèces menacées plus méconnues. Une minorité d’espèces appartient à la faune française : grands prédateurs, rapaces, cervidés, etc. Bien sûr, les établissements zoologiques abritent aussi une biodiversité locale « libre ».

Un arrêté du 25 mars 2004 assigne trois missions d’intérêt général aux établissements zoologiques : conservation des espèces animales, éducation du public à la biodiversité et recherche. De nombreux établissements s’intitulent «  parcs  » ou «  réserves  », ce qui les rapproche sémantiquement de certains espaces naturels protégés (ENP) et peut créer une confusion aux yeux du public.

Parmi les 53 Parcs naturels régionaux (PNR) français, celui de la Forêt d’Orient fait figure d’exception puisqu’il gère un établissement zoologique, l’Espace faune de la forêt d’Orient. Cet espace de 50 ha en forêt domaniale, créé dans les années 1970, abrite des espèces de la faune locale (cerfs, chevreuils et sangliers) et des espèces présentes par le passé (aurochs, Bisons d’Europe, élans et tarpans). Ces animaux se reproduisent sans assistance et ne sont alimentés que l’hiver.

Au centre-ville de Saint Quentin (Aisne), le Parc d'Isle, fréquenté par 500 000 visiteurs par an, comprend une réserve naturelle nationale (47 ha de marais non accessibles au public) et un établissement zoologique, une ferme pédagogique et un centre de sauvegarde de la faune sauvage. Le parc est géré par la communauté d’agglomération du Saint-Quentinois, avec l’appui du Conservatoire d’espaces naturels de Picardie pour la partie en réserve. Wallabies, émeus et aras seront bientôt rejoints par des espèces en rapport avec les zones humides du monde, par souci de cohérence thématique.

 

UN OBJECTIF COMMUN : L’ÉDUCATION À LA NATURE

L’Espace faune de la forêt d’Orient sert d’espace pédagogique au PNR. Les animations nature proposées aux 10 à 12 000 visiteurs annuels portent sur les espèces (brame du cerf, etc.) et les milieux présents (forêt, mares, prairies, etc.). Le site est utilisé lors d’événements spécifiques (Nuit de la chouette, Fête de la nature, etc.). La vocation pédagogique justifie les crédits affectés chaque année par le PNR pour le fonctionnement de l’établissement. Des mécènes comme RTE sont toutefois recherchés.

À Rhodes (Moselle), un partenariat a été noué entre le PNR de Lorraine et le Parc animalier de Sainte-Croix qui présente des espèces essentiellement locales. Des échanges de techniques d'animations ont lieu et des animations et expositions sont réalisées en commun, à destination notamment des 300 000 visiteurs accueillis annuellement. Le parc animalier est un lieu de conférences.

Entre janvier et juin 2017, une «  classe des villes  » et une «  classe des champs  » de l’agglomération de Mulhouse ont travaillé en binôme de manière croisée et interdisciplinaire dans le but de sensibiliser des élèves de 6e au développement durable du territoire et aux liens entre activités humaines et nature environnante. Le projet, accompagné par des pédagogues du Parc zoologique et botanique de Mulhouse, du CPIE des HautesVosges et du PNR des Ballons des Vosges, a consisté à créer de grandes cartes mentales2 portant les principes de bonne conduite dans la nature urbaine et rurale.

D’une manière générale, les personnels éducatifs des établissements zoologiques et ceux des ENP se rencontrent fréquemment au sein des Groupes régionaux d’animation et d’initiation à la nature et à l’environnement (Graine).

 

 

PARTENARIATS POUR LA CONSERVATION D’ESPÈCES AUTOCHTONES

L’activité d’élevage des établissements zoologiques peut être assortie de programmes de réintroduction ou de renforcement de populations dans des ENP. Sept établissements zoologiques3 sont impliqués dans un programme de conservation de la Cistude d’Europe. Depuis 2005, plus de 400 individus nés en élevages ont été relâchés autour du lac du Bourget en Savoie (sites Natura 2000 et, pour certains, site Ramsar, arrêté préfectoral de protection de biotope ou propriétés du Conservatoire du Littoral) et sur le site du Woerr de Lauterbourg (Bas-Rhin), qui comprend une réserve biologique domaniale et un espace naturel sensible. Le Parc de Thoiry et la Réserve naturelle nationale des Coussouls de Crau tentent ensemble depuis 2015, sous l’égide de l’UICN, de créer une population captive du Criquet de Crau. L'objectif est de renforcer la population sauvage de cette espèce endémique devenue relictuelle. En 2017, leur effort a permis de boucler pour la première fois le cycle de vie de l'espèce ex situ et d'envisager l'élevage d'une population conservatoire en établissement zoologique. Au Parc zoologique du Muséum de Besançon, un élevage expérimental d’Écrevisses des torrents a débuté en mai 2017. Cette espèce n’ayant jamais été élevée, les premiers essais ont permis de déterminer les paramètres zootechniques indispensables à son maintien ex situ. Un premier lâcher de 45 individus a pu être effectué dans un ruisseau du PNR des Vosges du Nord.

 

LIEUX D’ACCUEIL OU SOURCES D’ESPÈCES EXOTIQUES ENVAHISSANTES

Plusieurs établissements zoologiques accueillent des espèces exotiques envahissantes, amenées par des particuliers ou des gestionnaires de milieux naturels. C’est le cas pour les Tortues de Floride, accueillies dans de nombreux établissements zoologiques de France, qui mettent en avant cette problématique auprès des visiteurs. Autre face du problème : la présence de certaines espèces exotiques envahissantes dans des ENP peut être due à des individus échappés d’établissements zoologiques. C’est le cas de l’Ibis sacré, échappé au début des années 1990 d’un parc animalier breton, que l’on retrouve dans la Réserve naturelle nationale du Lac de Grand-Lieu, mais aussi dans les PNR du Golfe du Morbihan et de Brière, et différents sites Natura 2000.

 

 

DES THÈMES D’AVENIR ?

Dans un but de relocalisation d’activités économiques et de réduction d’empreinte écologique, le PNR de Lorraine a développé une filière foin avec le Zoo d’Amnéville et une pépinière de Nancy. Huit agriculteurs fournissent ainsi du foin de prairies locales à forte biodiversité pour les herbivores (rhinocéros, etc.). Le zoo communique auprès de ses visiteurs sur la biodiversité des prairies. Les gestionnaires d’espaces naturels protégés et d’établissements zoologiques auraient sans doute des choses à s’apporter mutuellement en termes de génie écologique (création et entretien de milieux «  naturels  »). Dans ce domaine, tout semble à faire ! 

(1) Cf. article publié dans Espaces naturels n°55 (www.espaces-naturels.info/archives).

(2) La carte mentale ou « Mind Map » est un outil qui permet d’organiser sa réflexion sur un thème en la représentant sous forme de carte. 

(3) La Ferme aux crocodiles, Zoodyssée, le Parc de Branféré, le Zoo de Mulhouse, le Parc zoologique de Paris, le Parc animalier de Sainte-Croix et la Réserve de la Haute Touche.