Le point de vue de Marie Dorin-Habert, (ancienne) biathlète

 

Espaces naturels n°65 - janvier 2019

Autrement dit

Avec un palmarès glorieux - pour ne citer que ses titres les plus récents, elle fut championne olympique du relais mixte et médaillée de bronze du relais féminin à Pyeongchang en 2018 la biathlète Marie Dorin-Habert est une sportive hors du commun. Mais pas seulement. Titulaire dun master Biodiversité écologie évolution de luniversité de Grenoble Alpes, elle défend lenvironnement en connaisseuse.

Marie Dorin-Habert, (ancienne) biathlète.

Marie Dorin-Habert, (ancienne) biathlète. © DR

La nature, c’est la seconde passion de Marie Dorin-Habert, biathlète française de haut niveau de 2003 à 2018 (quadruple médaillée aux jeux olympiques, deuxième de la coupe du monde 2015-2016, plusieurs fois championne du monde, etc.) et titulaire d’un master Biodiversité écologie évolution de l’université de Grenoble Alpes. Au printemps dernier, elle a annoncé qu’elle raccrochait les skis. Sa reconversion ? Un poste au service jeunesse et sport du conseil départemental de l’Isère, pour monter des projets éducatifs, dont on imagine aisément que l’environnement ne sera pas exclu ! Parallèlement, avec Loïs Habert, son mari, et le fondeur Robin Duvillard, elle a ouvert en octobre dernier, à Corrençon-en-Vercors, Zecamp, un centre d’hébergement sportif pour accueillir des équipes sportives internationales mais aussi de simples amoureux de la montagne. « J’aurais aimé que le bâtiment soit à énergie neutre, alimenté grâce à des panneaux solaires, isolé en laine de bois, avec le plus de bois possible dans la construction, etc. Malheureusement, tout cela générait un surcoût trop élevé. La vertu environnementale n’est pas assez encouragée. Les aides financières que nous avait indiqué l’Espace Info Énergie de l’Association départementale d’information sur le logement (Adil Drôme) étaient surtout fléchées sur la rénovation du bâti ancien, or notre bâtiment est neuf. Et, comme c’est le cas pour les panneaux solaires, lorsqu’il y a des aides de l’État, les vendeurs les intègrent dans le prix de vente ! Ou elles servent à payer les bureaux d’études pour réaliser toutes les études préalables nécessaires. Nous avons donc fait au mieux… »

UNE ÉCOLOGUE CONFIRMÉE

Quand on évoque avec Marie Dorin- Habert les espaces naturels protégés, on voit tout de suite que l’on a affaire à une spécialiste. « Pour moi, le terme d’espaces naturels protégés recouvre principalement les réserves naturelles, les parcs nationaux, les réserves biologiques, les espaces naturels sensibles et les sites qui font l’objet d’un arrêté préfectoral de protection de biotope. Je mettrais à part les parcs naturels régionaux car ils disposent certes d’une charte, qui a une vraie valeur vis-à-vis des documents d’urbanisme par exemple, mais ce sont avant tout des territoires de médiation environnementale. Ils cherchent plus à concilier qu’à protéger, au sens réglementaire du terme. » Et les Parcs naturels régionaux (PNR), Marie Dorin-Habert les connaît. Elle habite depuis 15 ans dans le PNR du Vercors et a fait son stage de master 1 au PNR, « avec une équipe de personnes convaincues ». Elle a ainsi pu participer à différentes actions : réintroduction du Gypaète barbu, définition d’un corridor écologique alpin grâce à un travail de cartographie des habitats naturels, recherche de financements, etc. « Vu l’ampleur de la tâche, les moyens du parc sont trop limités. Quand on base son action sur le dialogue, ça prend plus de temps que de faire respecter une réglementation. Rien n’est jamais acquis de manière certaine. Y compris pour les ressources financières. Cela peut générer une certaine frustration. Et il faut parfois composer avec les clivages politiques ».

METTRE LE PAQUET SUR L’ÉDUCATION

Selon le sondage réalisé en ligne en avril 2018 pour la Fête de la Nature, 93 % des Français se disent préoccupés par la sauvegarde de la biodiversité, 86 % souhaitent quelle devienne une cause nationale et 83 % estiment que la préservation de la biodiversité devrait être une priorité du gouvernement. « La prise de conscience est là, mais il reste encore un gros travail à faire en matière d’éducation et de sensibilisation. On se demande dailleurs pourquoi la préservation de la biodiversité ne figure pas encore de manière automatique dans les programmes scolaires. En Isère, nous avons la chance davoir de nombreux espaces naturels sensibles. Leur ouverture au public par le conseil départemental joue un grand rôle car, pour protéger, il faut connaître. Ceci est valable non seulement pour la nature remarquable mais aussi pour celle dite ordinaire. Et il faut ensuite pouvoir comprendre les relations de cause à effet sur la biodiversité. Qui sait par exemple que le pastoralisme joue un rôle dans le maintien dune espèce emblématique comme le Tétras lyre ? »

IMPLIQUER LES SPORTIFS DE HAUT NIVEAU ET LEURS INSTANCES

Avec ses connaissances scientifiques en écologie, quel regard Marie Dorin- Habert porte-t-elle sur son sport ? « Classiquement, un entraînement de biathlon, cest tir le matin et ski de fond, ski à roulettes, course à pied, marche ou VTT laprès-midi. En fait, nous sommes très souvent dehors. Une occasion de profiter de sites naturels de qualité. Dailleurs, certains moniteurs de ski de fond ont de bonnes connaissances naturalistes. Mais il y a des biathlètes uniquement focalisés sur leurs performances, qui préféreraient sans doute même courir indoor pour ne pas subir les intempéries ! » Marie Dorin-Habert a réfléchi à son empreinte écologique. « Avec tous les déplacements en avion pour me rendre sur les différents sites de la coupe du monde, une consommation hors norme de plomb pour le tir, lutilisation de pistes enneigées de plus en plus artificiellement à cause du changement climatique, etc. mon empreinte écologique n’était pas brillante » confesse-telle. « Ils sont loin les skis en bois dorigine ! Aujourdhui, on invente des matériaux de plus en plus sophistiqués pour rendre les skis les plus légers possible et le bilan nest forcément pas le même en terme dAnalyse du cycle de vie (ACV). La question du recyclage des skis se pose. Le fart, qui contient de la paraffine et du fluor, est accusé de polluer les sols. Pas facile de faire rentrer une pratique écoresponsable dans le sport professionnel où tout est étudié en termes de performance

Mais il y a quand même des petites choses que lon peut changer dans son comportement individuel. Je ne consommais par exemple que des boissons énergétiques avec un label bio. ». Peut-on imaginer une prise en compte plus importante de lenvironnement dans le sport de haut niveau à lavenir ? « Les sites daccueil de la Coupe du monde sont plus ou moins regardants sur les questions environnementales : tri et recyclage des déchets, gestion raisonnée de leau, utilisation d’énergies renouvelables, dameuses hybrides utilisant de lhuile biodégradable, etc. » indique Marie Dorin-Habert. Les personnes intéressées par le sujet trouveront des informations intéressantes dans l’éco-guide des stations de montagne édité chaque année par lassociation Mountain Riders, qui évalue des stations françaises et étrangères sur divers critères environnementaux. « Les représentants des athlètes qui siègent dans des instances comme lUnion internationale de biathlon (IBU) ont surtout en tête la défense du bienêtre et de la santé des compétiteurs. La priorité, cest la lutte contre le dopage ! » précise Marie Dorin-Habert. « Cecidit, peut-être quen les formant, ils pourraient aussi devenir les porteparoles de la cause environnementale ? Les marques qui équipent les sportifs pourraient aussi simpliquer. »