Techniques d’animation

Nous apprenons du plein vent du monde

 

Espaces naturels n°37 - janvier 2012

Le Dossier

Dominique Cottereau
Consultante. Scop Oxalis. Enseignante IUT de Tours : médiation scientifique et éducation à l’environnement.

 

L’approche réflective invite à mettre des mots sur les moments d’apprentissage informel où, sans pédagogue, sans méthode, sans outil, nous recevons du quotidien.

Qu’apprend-on des bains de mer, des balades en forêt ou des nuits à la belle étoile ? Drôles de questions, n’est-ce pas ? Elles ressortent pourtant de l’éducation informelle que nous recevons du quotidien. Car nous sommes tous, chacun, écoformés. Une part de notre identité est imprégnée et constituée des milieux dans lesquels nous avons grandi, vécu ou que nous avons traversés au cours de notre existence. Si nous sommes éduqués par nos parents, nos amis, nos maîtres, nous le sommes également par l’environnement biophysique, ses matières, sa faune, sa flore, ses ambiances.
L’approche réflective invite à mettre des mots sur ces moments d’apprentissage informel. Lors d’une sortie nature, l’éducateur environnemental met en place une succession d’activités qui permettent au participant de faire refléter la relation qui se tisse entre lui et l’environnement.

En pratique. Au cours d’une balade dans un espace riche en informations sensorielles, l’animateur va proposer des arrêts pendant lesquels les participants écrivent, décrivent, dessinent leurs sensations, leurs émotions, leurs souvenirs. Quelques exemples de consignes : « Nous sommes nombreux, mais vous devrez marcher sans parler à vos partenaires. Regardez, écoutez, humez. » Plus loin, chacun ayant un carnet et un crayon : « Notez des mots en vrac, représentant des sensations ou des émotions ressenties ainsi que des éléments du milieu qui vous ont interpellés. » Autre arrêt, un point de vue : « Notez ce que vous voyez, entendez, sentez, aimeriez toucher. » Puis, en se regroupant par deux : « Échangez les sensations notées. »
Autre consigne possible, à un autre endroit : « Fermez les yeux, concentrez-vous sur le cheminement que nous venons de parcourir et laissez revenir à votre mémoire un moment spécifique de la marche. Laissez-le s’affiner et se préciser. Lorsque vous l’avez en image, mettez-vous par deux, et racontez ce moment à l’autre de façon très descriptive et très précise. » D’autres activités sont possibles qui, toutes, invitent à nommer la relation qui s’instaure au fil de la balade.

Conscience. L’intention principale de cette approche est de favoriser la prise de conscience de la relation qui se compose avec l’environnement.
L’écoformation et son approche réflective ont pour ambition de bâtir la conscience écologique qui fait défaut à notre monde moderne. Les premières études sur ce sujet, notamment au travers des
autobiographies environnementales, ont révélé combien les engagements des éducateurs à l’environnement provenaient d’une relation sensible forte avec des milieux. Toute leur connaissance, scientifique et naturaliste, s’est organisée sur un éveil corporel, premier, qui avec la campagne, qui avec la montagne, la forêt, les rivières, les oiseaux, les insectes…
Pourquoi cela ne nous servirait-il pas de leçon pour une éducation à l’environnement en direction du grand public ?

Long terme. L’évaluation doit être congruente avec l’atmosphère que dégage ce type d’approche. La balade réflective incite au calme, au respect, à la bienveillance. La démarche s’installe dans le long terme et la répétition. Une conscience écoformatrice ne vient qu’avec le temps. Elle est à l’inverse des démarches de communication engageantes actuellement conseillées par les psychologues sociaux.
Elle joue avec la durée et se contente de participer à la construction d’un être-au-monde incluant le monde non-humain dans son champ de valeurs. •