Intégrer la trame verte et bleue dans les documents stratégiques de territoire

 

Espaces naturels n°39 - juillet 2012

Aménagement - Gouvernance

Émeline Reveneau
Fédération des PNR de France
Thierry Mougey
Fédération des PNR de France
Claire Hamon
Fédération des PNR de France

Les documents stratégiques des territoires constituent un atout pour la mise en œuvre de la trame verte et bleue ; qui elle-même autorise une possible plus-value en termes de cohérence du projet.

La mise en œuvre opérationnelle de la trame verte et bleue (TVB) se réalisera à l’échelle des territoires. Aussi, leurs documents stratégiques de projets se révèlent-ils être des outils intéressants. C’est le cas des chartes de parcs naturels régionaux qui, depuis le décret du 24 janvier 2012, doivent intégrer des objectifs de préservation et de remise en bon état des continuités écologiques. La réflexion vaut aussi pour les chartes de parcs nationaux ou de pays, agendas 21 des intercommunalités…

Entre régional et local. Leur position stratégique, entre l’échelon régional et local, participe à l’efficacité de ces documents. Ainsi, les chartes de parcs prennent en compte les schémas régionaux de cohérence écologique et les documents d’urbanisme doivent leur être compatibles. Ces « contrats fondateurs » permettent de décliner le cadre régional et de définir la TVB à une échelle plus fine, facilitant les démarches des communes. Pour Gérald Duhayon, du PNR Scarpe-Escaut, « le porter à connaissance qui accompagne la révision du contrat fondateur peut être un élément déclencheur de l’action communale en faveur de la trame. »
L’occasion est également offerte d’engager les communes dans l’élaboration ou la révision de documents d’urbanisme et de leur proposer des dispositifs d’accompagnement (atelier rural d’urbanisme, prévu dans la charte du PNR des volcans d’Auvergne) ou des outils d’aide à la décision (plans paysage et biodiversité, prévus dans la charte du PNR de la haute vallée de Chevreuse).

Enjeux territoriaux. L’approche TVB doit être appropriée aux réalités locales. Pour Cécile Birard, du PNR des volcans d’Auvergne, « la trame écologique, sur notre territoire peu fragmenté, se réfléchit dans une logique de matrice paysagère dont il convient de préserver la qualité. L’identification de la presque totalité de notre parc comme réservoir de biodiversité à l’échelle du Massif central appuie cette logique. » Un point de vue partagé par Didier Olivry, du PNR de Camargue : « restaurer les fonctionnalités et développer les continuités, c’est aussi accepter une plus grande naturalité. » Le caractère bien préservé de ce territoire a ainsi amené le parc à raisonner la TVB par la contribution fonctionnelle de la nature ordinaire.
Autre vision en Scarpe-Escaut où le schéma « réservoirs de biodiversité reliés par des corridors écologiques » est bien adapté aux milieux fragmentés et à fortes pressions d’urbanisation, comme en témoigne l’orientation « Préserver et restaurer les réseaux écologiques ».

Transversalité. Pour Didier Olivry, « l’objectif en Camargue est de restaurer et de développer les fonctionnalités aussi bien sur les plans hydrauliques, socioéconomiques, que biologiques. La TVB apparaît alors comme une thématique de réflexion majeure pour éviter le cloisonnement et le risque de spécialisation des espaces. »
En Scarpe-Escaut, l’orientation de la charte « Adopter une nouvelle gestion de l’espace, équilibrée et volontariste » stipule la prise en compte des continuités écologiques dès l’amont des projets d’infrastructure ; une autre orientation « Encourager le développement de pratiques respectueuses de l’environnement » expose l’enjeu du développement d’une agriculture intégrant les exigences de la trame écologique.
Le plan de parc, qui superpose les enjeux biodiversité, agriculture, urbanisme, aménagement du territoire, gestion forestière, politique de l’eau, tourisme… est un bon témoin de la transversalité TVB.

Échelle. Ces contrats fondateurs sont de bons outils pour traduire la volonté des parcs de dépasser leurs limites administratives.
En Camargue par exemple, la trame est réfléchie à l’échelle biogéographique du delta du Rhône. En Scarpe-Escaut, la charte est définie pour l’ensemble du Parc naturel transfrontalier du Hainaut, entre la France et la Belgique, pour des motifs de cohérence écologique et de gouvernance transfrontalière.
C’est dans un raisonnement similaire, alliant réalités biogéographiques et gouvernance partagée, que la structure interparcs Ipamac a élaboré une trame pour l’ensemble du Massif central.

Gouvernance. La proposition d’un dispositif de concertation dans un document stratégique de territoire est un plus pour le processus de gouvernance, de même que l’engagement des signataires et des partenaires pour chacune des mesures. Dans cet esprit, la charte du PNR de la haute vallée de Chevreuse propose l’élaboration d’une carte évolutive des continuités écologiques dans une démarche partenariale associant ONF, ONCFS, agence de l’eau, Onema, associations naturalistes, syndicats de rivières, fédération de chasse, chambres d’agriculture…
La révision du contrat fondateur est l’occasion de nombreuses rencontres avec les habitants, les professionnels et les élus : elle est un moment privilégié pour développer les fondements d’une gouvernance propice à une mise en œuvre concertée et partagée de la TVB.
L’expérience en témoigne, les documents stratégiques des territoires ont un intérêt pour la mise en œuvre de la TVB qui, elle-même, constitue une possible plus-value pour la cohérence du projet. •