Un domaine en constante évolution
Espaces naturels n°65 - janvier 2019
La technologie des drones évolue quasi au jour le jour. Des équipements de plus en plus pointus (caméras thermiques, optiques puissantes, drone aquatique, etc.) permettent d’aller toujours plus loin. Pour autant, respect de la réglementation et priorité au non dérangement des espèces doivent rester les maîtres mots.
Dans le cadre de ses missions d’expertises naturalistes, le bureau d’études Ecosphère, qui s’est associé avec la société Prodrones(1), s’attache à respecter réglementation de vol et règles de déontologie liées au non dérangement des espèces étudiées dont la sensibilité impose de travailler dans un cadre strict. Parmi nos missions, nous assurons la sécurisation des nichées de busards en plaine agricole. Ces rapaces en partie inféodés aux cultures de céréales sont vulnérables en saison des moissons. Celle-ci coïncide en effet avec les périodes de nidification et d’élevage des poussins. Ils sont aussi sensibles aux dérangements mécaniques de plus en plus fréquents. Le succès de la reproduction chez ces espèces repose également sur la disposition de ressources alimentaires en qualité et en quantité devenues rares par endroit. Par conséquent, ces espèces se sont raréfiées, leur répartition s’est clairsemée. Les étudier sans les déranger pour mieux assurer leur conservation est aujourd’hui possible par des technologies avancées, grâce en particulier à certains types de drones mais surtout avec des équipements de mesures appropriés.
UN PARTENARIAT ORNITHOLOGUE – DRONE POUR UN MOINDRE DÉRANGEMENT
Certaines espèces de busards sont plus isolées et leur recherche peut s’avérer fastidieuse dans les vastes secteurs de plaine agricole. Mais le rôle de l’ornithologue reste toujours prédominant. Il permet de repérer les couples et d’en faire une analyse comportementale fine : parades nuptiales, transport de matériaux au nid, localisation probable du nid, etc. Plusieurs visites de terrain sont nécessaires aux périodes propices, surtout sur de vastes territoires d’étude. Les observations se faisant à bonne distance, ce travail de fond non traumatisant pour les oiseaux permet dans un second temps d’associer le drone à la recherche précise du nid. L’essentiel des repérages ayant été réalisé, il est possible d’indiquer si le couple niche de manière possible, probable ou certaine et de localiser avec précision la zone d’emplacement du nid. Les techniques parfois utilisées, exclusivement réservées aux cas extrêmes pour le bureau d’études, consistent en une intrusion pédestre dans un champ où est potentiellement présent un couple de busards. Cette méthode consistant à trouver le nid lorsque l’adulte s’envole ou atterrit montre une bonne efficacité mais pointe aussi certaines limites liées au dérangement. En effet, marcher dans un champ engendre la création de voies pouvant être empruntées par d’éventuels prédateurs. Par ailleurs, accéder dans une parcelle agricole sans autorisation préalable peut s’avérer conflictuel, notamment du fait du risque de piétinement partiel des céréales.
LA TECHNOLOGIE AU SERVICE DE LA PROTECTION DE LA NATURE
La méthodologie développée par Ecosphère et Prodrones se base sur l‘utilisation d’outils techniques de qualité tout en minimisant le dérangement des individus. Nous utilisons deux méthodes complémentaires ou alternatives. La première consiste en l’utilisation d’un drone équipé d’une caméra thermique à des fins de captation nocturne. Bien plus précise que toute autre caméra de type infra-rouge sous réserve de la régler parfaitement, elle permet, à plus de 100 m d’altitude, de repérer tout animal à sang chaud de petite taille (une Pipistrelle commune sera par exemple détectée en vol) à grande taille (grands mammifères). Le drone quant à lui est équipé d’un GPS à la précision centimétrique permettant de géolocaliser ces « points chauds ». Tout type de drone ne peut répondre à nos exigences déontologiques et il a été montré à plusieurs reprises les limites des drones « grand public » pour réaliser ce travail. Dans le cas du suivi des busards, les nids, avec des adultes, des poussins, voire même des oeufs chauds sont immédiatement repérables. Il devient possible, sur un pas de temps très court, de prospecter des dizaines d’hectares efficacement et discrètement. Notons que la hauteur de vol (au moins 100 m avec plafond imposé de 150 m) ne génère aucune perturbation des oiseaux qui restent totalement indifférents au passage du drone. La seconde méthode repose sur la captation diurne. Cette approche va permettre, toujours à haute altitude (impératif en journée) de vérifier l’état d’avancement de la nidification : oeufs, nombre de poussins, âge, etc. Cette manoeuvre permet aussi de vérifier une information collectée en mode nocturne sur laquelle un doute subsisterait. Cette caméra dotée d’un puissant zoom optique et numérique permet d’évoluer à plus de 100 m de hauteur et offre des possibilités de contrôle sans émettre le moindre dérangement au sol.
LES DRONES, DES ALLIÉS PRÉCIEUX, MAIS PAS DES GADGETS
Cette approche présente de nombreux avantages vis-à-vis du non dérangement des individus nicheurs. En effet, il est important de minimiser l’impact, même lors de prospections naturalistes tout en garantissant une efficacité plus forte en matière d’expertises et de résultats. Utilisé dans un cadre réglementaire précis (autorisations de vol, plan de vol, zone d’envol à l’écart des sites propices, etc.) l’outil s’avère particulièrement efficace sur de grandes surfaces à prospecter. Il nécessite toutefois un lourd investissement en matériel lui-même en constante évolution, ce qui peut être un frein à son utilisation. Chaque demande est particulière et se doit d’être contextualisée aux besoins de l’étude. Notre expérience permet de nous adapter aux conditions de terrain mais aussi à chaque espèce étudiée (OEdicnème criard, Cigogne noire, Milan royal, outardes, etc., sauvetages de faons ou levrauts, comptages divers, grands mammifères en forêt, chauvessouris dont diverses applications en termes de trajectographie, etc.). Il est évident que le matériel ne cessera d’évoluer dans les années à venir : poids, autonomie, optiques, automatisation et motorisation mais l’utilisation du drone dans l’expertise faunistique reposera aussi sur les capacités d’interprétation et les mesures associées ainsi que sur la réglementation en vigueur qu’il faudra respecter. Les drones associés à leurs équipements, loin d’être des gadgets, deviennent ainsi des alliés précieux
(1) Société de prise de vue, traitement de données, formation de télépilotes, vente de drones www.prodrones.fr/