Le dossier lu par... Emmanuel Delannoy

 

Espaces naturels n°51 - juillet 2015

Le Dossier

Emmanuel Delannoy, en charge de l'étude acteurs économiques pour la préfiguation de l'AFB, directeur de l'Institut INSPIRE

C’est ensemble, acteurs économiques et professionnels de la biodiversité, que nous
pouvons imaginer, expérimenter et diffuser les meilleures idées. 
© Gilles Daniel - CCI France

Il n’était pas rare, il y a peu, d’entendre des chefs d’entreprises déclarer très sincèrement « la biodiversité, je sais bien que c’est important, mais en quoi est-ce que ça concerne mon entreprise ? ». Ne nous voilons pas la face, c’est encore aujourd’hui largement le cas.

Mais il faut bien reconnaître que, même s’il faut se garder d’un prisme exclusivement utilitariste, la pédagogie amorcée avec le Millenium ecosystem assessment, sur la dépendance des activités économiques vis-à-vis des services rendus par la nature, a progressivement porté ses fruits. De patrimoine, que les activités économiques ne pouvaient qu’altérer, si possible le moins possible, la biodiversité est devenue un « capital écologique1 » dont les activités économiques dépendent. À ce titre, et sans oublier la nécessaire maîtrise des impacts des activités sur la biodiversité, la « dépendance » des entreprises à l’égard des écosystèmes est devenue un enjeu stratégique pour leurs dirigeants, ou tout au moins pour les mieux informés.

On ne peut alors que constater, comme le faisait James Serpell, que « par chance, et en grande partie en raison de nos excès passés, les arguments éthiques (…) et les objectifs économiques basés sur les intérêts humains à long terme commencent enfin à converger. Nous ne pouvons qu’espérer que de cette convergence naîtra un compromis raisonnable et responsable2».

Cette convergence est porteuse d’une promesse : celle d’une relation apaisée, constructive et positive, entre ceux dont la mission est de gérer et préserver le patrimoine naturel et ceux dont l’exercice de la profession nécessite d’en valoriser les potentialités. Elle porte en germe une nouvelle prospérité, au sens premier, étymologique, du terme : pro-spes - porteur d’espoir. Et si les initiatives ne manquent pas, il est urgent de les faire connaître, de créer du lien entre les acteurs, de favoriser la diffusion des savoirs et le partage des retours d’expériences. En un mot : de faciliter la tâche des pionniers de cette nouvelle prospérité. C’est dans ce contexte que la future agence française pour la biodiversité s’est vue confier des missions de sensibilisation, de formation et de soutien technique, administratif et financier à tous les porteurs de projets favorables à la biodiversité : territoires, gestionnaires du patrimoine naturel, acteurs économiques, ou toute combinaison fertile de ces trois catégories d’acteurs.

Cette convergence, enfin, est dès aujourd’hui une réalité aux formes multiples, comme vous pourrez le constater à la lecture de ce dossier : coopération technique, pour préserver une ressource vitale ou des conditions d’opérations favorables ; mécénat, financier ou de compétence, économie circulaire, économie solidaire, biomimétisme, RSE... La seule limite est celle de notre créativité et de notre intelligence collective. Et c’est ensemble, acteurs économiques et professionnels de la biodiversité, que nous pouvons imaginer, expérimenter et diffuser les meilleures idées.

(1) La Stratégie nationale pour la biodiversité 2010-2020 officialise cette notion à travers l’objectif n°3 : « Investir dans un bien commun, le capital écologique »
(2) James Serpell, « In the company of animals
» 1986