Enjeux

Biodiversité et organisations : des interactions mutuellement favorables ?

 

Espaces naturels n°51 - juillet 2015

Le Dossier

Michel Trommetter, directeur de recherche, Inra GAEL Grenoble

Au-delà de la prise de conscience de leur dépendance à la biodiversité, les entreprises, comme d'autres organisations, s'interrogent sur la valeur des services à préserver

Les entreprises prennent conscience de leurs intéractions avec leur environnement. Certaines en font même un projet d'entreprise associant les collaborateurs cf. p. 33. © ADS

Pour les organisations, dont les entreprises, la gestion de la biodiversité reste encore trop souvent perçue comme une contrainte. Or, depuis les travaux du Millenium Ecosystem Assessment en 2005, il y a une prise de conscience que la biodiversité est au coeur du développement. D'abord du développement actuel des sociétés par les services qu'en retirent les humains -approvisionnement, régulation et culture. Mais aussi des développements futurs, grâce aux services d'auto-entretien qui conditionnent la disponibilité des services demain. L’humain est donc dans la biodiversité, et l’humain interagit avec les autres éléments de la biodiversité de différentes manières : de manière individuelle (en tant que résidant- habitant) ; de manière collective, que ce soit par le biais des collectivités territoriales, des entreprises (dont les exploitations agricoles), ou des administrations.

Plusieurs initiatives sur les liens entre biodiversité et organisations ont été menées ces dernières années en France et ont conduit à la rédaction de guides. Citons : EPE, Natureparif, Oree... Ce dossier d'Espaces naturels s'inscrit bien dans cette mouvance où l'objectif est d'identifier, sur la base d'études de cas, les dépendances à la biodiversité, toutes les organisations n'ayant pas la même dépendance au vivant. La biodiversité n’est alors plus exclusivement perçue comme contrainte, où il suffit de minimiser les coûts de production pour atteindre un objectif environnemental imposé par d'autres. La biodiversité devient un élément stratégique de l'organisation du fait de l'émergence de nouvelles questions :

minimiser des coûts pour atteindre une réduction d’impact attendue aujourd’hui peut-il être à l’origine de coûts supplémentaires pour pouvoir bénéficier de services demain ?

financer des coûts de restauration aujourd'hui peut-il être nécessaire pour pouvoir bénéficier de services demain ?

La biodiversité intervient dans la création de « valeur ajoutée » et dans les coûts. Mais, quel que soit le niveau d'analyse, la question est comment et qu'est-ce que je mesure ? Des flux physiques, des flux monétaires. Et pour ce qui est des flux monétaires, est-ce que je mesure des bénéfices attendus, la mise en place de paiements pour services écosystémiques ou des coûts évités : coûts de substitution, coûts de l'inaction... La diversité des études de cas présentées montre la richesse du travail accompli. L'entreprise analyse des services qu'elle gère ou qu'elle ne gère pas et qui vont influencer les activités des autres. Les cas présentés sont divers, certains s'intéressant à la sécurisation de la filière intrants, d'autres aux conséquences de leurs activités sur les autres (impacts négatifs mais également positifs), d'autres enfin étudient à la fois les dépendances en amont et en aval.

Cette richesse fait émerger une question essentielle pour les années à venir : comment encore mieux intégrer ces flux entrées et sorties, donc mieux prendre en compte les interactions entre acteurs au sujet du vivant ?