Rhône-Alpes

Agriculteurs ou gestionnaires ? Deux visions du sol

 
Le Dossier

Pascal Faverot
Conservatoire d’espaces naturels de Rhône-Alpes

 

Le 12 octobre 2011, les Automnales de l’agriculture et la biodiversité à Lyon offraient une riche occasion d’échanges techniques entre professionnels de l’agriculture et gestionnaires d’espaces naturels à propos de la biodiversité du sol.
Un premier constat est évident : le sol n’est pas vu de la même manière ! De l’intérieur pour l’agriculteur qui va toucher, effriter la terre, en apprécier la couleur, interpréter sa texture à travers d’éventuels risques de battance1 et évaluer ses stocks nutritionnels. A contrario, le regard du gestionnaire perce plus difficilement la surface et se pose sur la végétation indicatrice de l’état du sol, au risque d’une interprétation qui ne fasse la part des choses entre facteurs édaphiques2 et anthropiques.

Différents. Les agronomes poussent vers une reconnaissance de la biodiversité, une diversité fonctionnelle caractérisée par une somme d’êtres vivants en interrelation : quelques centaines d’espèces de filaments mycéliens, une dizaine de milliers pour les bactéries, des décomposeurs, des suceurs… Leur préoccupation est moins la présence ou non d’une espèce mais l’aptitude de congénères à bloquer rapidement la manifestation du parasite. Nous sommes, à la fois, loin de la biodiversité patrimoniale qui nous occupe en tant que gestionnaires (du nombre limité d’espèces considérées) et encore plus proches de la définition qui nous anime, d’un écosystème fonctionnel.
Creuser sous la surface ou écouter l’agriculteur ? Les échanges de cette journée nous amènent à voir le sol différemment. D’abord sous l’angle de la faiblesse de nos bases agronomiques et de notre tendance à rester « superficiels ». Ils mettent aussi en évidence l’intérêt de revaloriser les critères édaphiques afin de comprendre la végétation spontanée et de compléter les seuls témoignages locaux.
Ces critères, en rapport à la nature du sol, les gestionnaires les utilisent avant tout sur les sols hydromorphes de tourbières. Car ils nous révèlent l’histoire de leur oxydoréduction. C’est ainsi que Sébastien Barthel, gestionnaire, reconnaît que, dans une prairie à nard, « l’analyse en profondeur permettrait de distinguer les nardaies3 intimement liées à la nature du sol de celles liées à un surpâturage ». Interrogeons-nous aussi, sur la capacité du sol à régénérer le milieu initial avant de restaurer un habitat.

Complémentaires. Enfin, comprendre comment l’agriculteur travaille avec son sol saura nous inciter à rester humble et à ne pas trop vite recommander des modifications de pratiques plus « écologiques ». C’est là une base d’un partenariat qui ne demande qu’à s’intensifier !

1. Tendance d’un sol limoneux à se désagréger et durcir en surface sous l'effet de la pluie. • 2. En rapport à la nature du sol. • 3. Pelouses rases d’altitude dominées par le nard.