Conservatoire des sites lorrains

Goûtez le sol !

 
Le Dossier

Nicolas Avril
Conservatoire des sites lorrains

 

Ici, on sent, on observe, on touche, on mange la terre... C’est avec les sens, tous les sens, que les enfants apprennent à qualifier le sol.

La démarche est un peu atypique. Sur une pelouse, une côte calcaire, adret de cuesta, animateurs et enfants se retrouvent pour… manger de la terre. Certes, la formule est un joli raccourci destiné à « appâter » le lecteur ; pourtant, il y a un peu de cela.
La quinzaine de bambins issus des cycles 3 écoute attentivement l’animateur qui se tortille sur un pied dans l’équilibre de la pente : « Avant de nous intéresser aux plantes, nous allons regarder sous le plancher des vaches. C’est dans le sol que les plantes se cramponnent et puisent leur nourriture. C’est dans le sol aussi que vivent des milliards d’animalcules, pour la plupart microscopiques. Ils forment les intestins de la terre.
Voyons donc les constituants minéraux du sol. C’est-à-dire ce qui se trouve entre la roche et l’air. »
Les enfants s’impatientent. Ils sont en plein air.
Si on passait à l’action ! ?
« Récupérez-moi donc trois carottes de terre à l’aide de la tarière, lance l’animateur du Conservatoire des sites lorrains. Allez… Une en bas de la côte, une en pleine côte et une sur le plateau. »

Goûtez. Le groupe s’éclate comme une grappe dont les raisins s’arrachent. Les enfants s’exécutent. Ils ramènent, les mains sales et le sourire aux lèvres, quelques éléments du sol qu’ils ont piégé dans la vrille.
« Et maintenant, qui veut goûter cette délicieuse terre ? » Pour de vrai ?, peut-on décoder dans le regard de certains, tandis que d’autres se sont piqués au jeu, trop heureux d’une situation qui transgresse des interdits.
Ils portent la terre aux lèvres puis mâchent doucement, grimaces à l’appui.
« Alors vos sensations ? Est-elle pâteuse, collante ? Sentez-vous des petits cailloux, comme du sable sur les dents ? Si elle colle, c’est qu’elle est argileuse. Si elle croustille, les cailloux viennent de la roche qui s’émiette par petits bouts. » Les plus timorés s’enhardissent…
« Ajoutez de l’eau. Pouvez-vous en faire de la pâte à modeler ? C’est de l’argile, du limon ou bien de la vase. Ah… là, elle casse tout de suite ! C’est du sable et des cailloux. »
Ils tripotent, ils aiment cela les gamins.
« Regardez vos mains ! Sont-elles tachées ? C’est de l’argile. La terre colle aux doigts ? Encore de l’argile. Dans les régions très argileuses, on dit qu’elle est amoureuse », ajoute le jeune homme dans un clin d’œil.

Tripoter. Avec les sens, il apprend aux écoliers à caractériser le sol.« Enfoncez votre pouce dans la boule ! Versez de l’eau maintenant… Elle ne traverse pas ? C’est qu’elle contient beaucoup d’argile.
L’argile humide est comme un K-Way. Plus la terre est argileuse et plus le sol est humide en surface. »
Puis vient l’expérience Coca-Cola, comme ils aiment à dire. Quelques gouttes d’acide chlorhydrique sur l’argile et sur les petits cailloux ; et ça mousse !
L’animateur force alors l’observation sur la couleur et sur l’odeur : « Plus la terre est noire, plus elle sent le terreau, plus elle contient d’humus donc de nourriture. »
Excités par ces expériences ressenties, les gosses interpellent : vous dites que le sol est le plus profond en bas ? « Oui, à cause de la pente. Du reste, certaines plantes comme la canche cespiteuse ne poussent que sur sol profond ; d’autres, comme le thym, préfèrent les sols caillouteux et secs.
Observez, observez… voyez que le sol n’est pas partout pareil. Et les plantes ont chacune leurs préférences selon que le sol est pauvre ou riche en nourriture, qu’il est humide ou non, que la roche est calcaire ou acide, que le sol est profond ou superficiel. »
L’animation s’achève, chacun regarde bizarrement la pelouse sous ses pieds.
« Pourtant, de loin, ça a l’air tout pareil, ce truc » lance un élève de sixième surpris de ce qu’il vient de comprendre.