Rhône-Alpes

Animation territoriale : 5 ans d’expérience pour les zones humides

 

Espaces naturels n°45 - janvier 2014

Aménagement - Gouvernance

Pascal Faverot
Cen Rhône-Alpes

Mobiliser les collectivités pour qu’elles prennent en compte la préservation des milieux humides mais également faire émerger des projets et apporter des compétences peu présentes sur les territoires : tels étaient les objectifs de l’accord signé en 2009 entre les Cen de Rhône-Alpes et l’agence de l’eau RM&C (Rhône-Méditérranée & Corse).

© Cen Rhône-Alpes

Face à une forte dégradation des zones humides, l’implication des collectivités locales devient déterminante. Aussi, les quatre conservatoires. Cinq ans d’un travail de longue haleine, porteur d’enseignements quant à la manière de s’organiser et de réussir. Il s’agissait pour les conservatoires de donner une toute autre ampleur à un travail déjà engagé, avec l’appui de la région Rhône-Alpes et de certains départements, d’animation auprès de territoires non doté en ingénierie environnementale. Selon les secteurs, la première note consistait à porter à connaissance les inventaires de zones humides et des enjeux sociétaux. La seconde devait convaincre et surtout ne pas créer une dissonance avec les préoccupations des territoires. Un appui à une démarche de préservation et de gestion s’engageait alors, coup de pouce pour le montage administratif ou l’élaboration d’un plan de gestion dans un cas, prise en charge de la gestion par le Conservatoire dans d’autres.

Organiser les forces vives

Chaque conservatoire s’est structuré : autour d’une personne en Haute-Savoie, de trois ou quatre opérateurs en Isère, dans l’Ain et en Drôme-Ardèche, incluant un rôle de coordonnateur en Savoie, avec chaque fois des plans de financement ajustés entre agence de l’eau RM&C et région Rhône-Alpes et/ou départements selon les possibilités. Au sein des équipes, la concertation, l’échange d’expériences étaient nécessaires, la disponibilité de chacun venant toutefois nuancer cet idéal dans la réalité. Les témoignages sont éloquents : le plein temps sur ce type de mission est difficile, « Nous sommes trop tributaires du calendrier des collectivités » souligne Thomas Martin, en Haute-Savoie, et nécessite d’être au top dans la planification lors de périodes de fortes sollicitations, en automne surtout. à l’inverse, il convient de ne pas trop « diluer » cette mission dans un poste plus général. Le CEN Rhône-Alpes est allé jusqu’à créer une fiche de poste spécifique pour ce travail mixte : gestion de sites / animation territoriale.

Quelle méthode mettre en place ?

En fonction des spécificités de chaque territoire, il convient d’adapter la méthode d’approche. En Isère, par exemple, une méthodologie de hiérarchisation des priorités d’actions a été mise en place sur le premier secteur de travail, le SAGE Drac-Romanche, puis reprise pour chaque nouveau contrat avec un réajustement indispensable au contexte. Une journée d’échanges régionale a été organisée à mi-parcours, l’occasion d’un premier bilan et d’une réflexion méthodologique.

Rester sur le qui-vive !

« Il faut mettre un pied dans l’ouverture de la porte » évoque Géraldine Garnier, sur les territoires du Bugey, pour rendre compte de la difficulté à faire sa place auprès d’élus dont les préoccupations sont tout autres. Aussi quand cette porte se ferme, il convient d’utiliser d’autres ouvertures, en l’occurrence diverses instances de pilotage de projets. En premier lieu : les contrats de rivières, outils adaptés pour proposer des fiches actions relatives à la restauration ou la gestion de zones humides. « Nous avons accompagné les porteurs de projets et fait part d’une grande persévérance » témoigne Céline Balmain pour l’Isère, afin que la préservation des zones humides soit effective et se traduise, par exemple, par une priorisation et une intégration dans les PLU. Il faut donc un état de veille permanent sur les procédures qui se mettent en place !
Les territoires « orphelins », c’est une autre affaire ! Le premier contact avec le maire ou le président génère rarement un enthousiasme suffisant et « Quand le maire me répond qu’il va en référer à son Conseil, je me dois d’être présente à cette réunion » précise Géraldine. Dans la Drôme, pour favoriser l’émergence de projets, le Conseil général a appuyé le travail de terrain du Conservatoire par un courrier de relance aux collectivités. Patience et ténacité payent ! De nombreux projets nécessitent deux à trois années entre la réunion initiale et le premier coup de pelle. Contraintes électorales et remaniements des institutions obligent, des projets tombent en dormance voire nécessitent de recréer le contact avec de nouvelles équipes municipales.

Se doter d’outils appropriés

Premier réflexe considéré : laisser sur le bureau de l’élu, à la fin d’un rendez-vous, une plaquette sur les zones humides élaborée spécialement. Ensuite un diaporama permet d’alimenter une réunion de conseil municipal. Une exposition sur les zones humides peut alors être proposée afin de sensibiliser plus largement. Sa réalisation, partagée entre les conservatoires, l’agence de l’eau, la FRAPNA et l’union régionale des CPIE, apporte une meilleure couverture des territoires. Un site web dédié aux zones humides permet enfin de valoriser les expériences ainsi qu’une lettre d’informations.

Les clés de la réussite

Après deux ans de travail, le bilan affichait 30 types différents de procédures dans lesquelles les équipes se sont investies et un total de 300 démarches engagées sur des territoires. Après quatre ans d’efforts, ce ne sont pas tant ces paramètres qu’il convient d’observer mais l’évolution des sensibilités locales et les réalisations concrètes sur ces territoires. Et les résultats sont là, même si le bilan peut paraître en demi-teinte ! Lisa Biehler évoque la Communauté de communes La Rochette Val-Gelon qui a initié un plan d’actions zones humides sur l’ensemble de son territoire et réfléchit à l’intégration d’une compétence « élaboration et mise en oeuvre de plans de gestion » dans les statuts d’une nouvelle structure intercommunale en construction. En Ardèche, sur le bassin versant de l’Eyrieux, quatre communes ont engagé des démarches foncières ainsi qu’un travail pédagogique avec les écoles afin de maîtriser, mieux gérer et valoriser leurs zones humides.

Que retenir de cette expérience ?

D’abord qu’il n’y a pas de recette miracle mais surtout des cas spécifiques, qu’il faut du temps et donc persévérer, que l’espoir d’un résultat est d’autant meilleur qu’un maître d’ouvrage local s’identifie rapidement, que la présence d’un technicien dans la collectivité locale permet de relayer l’information auprès de ses élus et d’inciter à la prise de décisions. La présence d’un élu moteur est aussi un élément facilitateur et ce n’est pas toujours le maire ou le président. Pour l’acquisition, le parcellaire en marais est parfois tel qu’il ne faut pas avoir peur de payer plus cher en frais notariés qu’en achat réel. Enfin, la mise en phase entre les agents des conservatoires et ceux des institutions (état, agence de l’eau, région…) est quelquefois longue à se mettre en place, ce qui ne facilite pas toujours la complémentarité souhaitée.