Le sol : bien commun primordial
Le sol. Une mince pellicule de matière meuble édifiée à la surface de la Terre. Il produit des services écologiques indispensables à la survie de l’humanité. Il est aussi facilement dégradable.
Lent à se créer, le sol est facilement dégradable. Le sol ? Mais de quoi parle-t-on exactement ? Cette mince pellicule de matière meuble a été édifiée à la surface de la Terre par divers processus d’altération des roches préexistantes. Elle met quel-ques centaines, parfois des milliers d’années, à se constituer. Une vie végétale et animale s’y déploie, favorisant l’apport et le mélange des matières organiques avec les éléments minéraux et constituant des structures dans lesquelles ces éléments peuvent s’imbriquer.
Appelées agrégats, les entités ainsi créées sont observables aussi bien à la surface du sol (sur la litière d’un sol forestier…) qu’en profondeur (sur un profil de sol ou une motte de terre dans un champ…). La qualité et la fertilité d’un sol sont liées à l’abondance et à la diversité de ces agrégats.
Vite dégradables. Mais, si ces agrégats disparaissent, les sols sont vite dégradés. Il en est ainsi quand la végétation forestière a été retirée sans précaution ou lorsque, dans les champs, l’apport de matières organiques est trop faible. La même situation se produit si les sols sont abusivement tassés ou pollués par des substances agressives pour les organismes vivants indispensables à leur fonctionnement.
À court terme, le sol est une ressource renouvelable dans ses processus de minéralisation et d’humification, mais ce n’est pas le cas à l’échelle de sa genèse et de son évolution à long terme. Aussi, l’impérieuse nécessité de le protéger s’impose. D’autant que les sols favorables à la
culture ne représentent que 22 % des terres émergées et, que, dans le monde, ce sont 12 à 16 millions d’hectares qui sont perdus par l’urbanisation et l’érosion sous toutes ses formes.
Au service de l’humanité. Le sol produit des services écologiques indispensables à la survie de l’humanité, nous révèle le Millenium Ecosystem Assessment 1 en 2005. Cette recherche distingue les services d’auto-entretien (constitution des sols, développement du cycle nutritionnel, production primaire), d’approvisionnement (nourriture, matériaux de construction), de régulation (régulation du climat, des inondations, de la qualité de l’eau) et la dimension culturelle (le terroir, la terre des ancêtres, le symbole des fécondités, de la vie humble et cachée).
Le service le plus facilement observable constitue le recyclage des matières organiques dans les sols forestiers. Les litières de feuilles ou d’aiguilles sont formées de résidus organiques présentant des degrés de fragmentation et de décomposition variables. Appelée humus, cette entreprise de démantèlement des résidus est le résultat de l’intense travail caché des nombreux agents biologiques (animaux, bactéries, champignons). Elle permet la vie de la forêt et la production du bois.
Avec un peu d’entraînement, il est possible de distinguer les principales formes d’humus2, des plus actives aux moins actives (dénommées mull, moder ou mor). Elles constituent des indicateurs qui nous renseignent sur la productivité des forêts mais aussi, plus globalement, sur l’état de santé de l’écosystème forestier.
Gestion. La place des sols dans l’aménagement des territoires fonde un cadre de réflexion dont l’enjeu est de maintenir des sols fonctionnels, donc vivants. Pour les pédologues, l’objectif visera par exemple à maintenir une épaisseur de sol meuble prospectable par les racines en favorisant le travail des vers de terre. Ils tiendront compte de l’usage des sols (agricole, forestier, espace vert…) et chercheront à éviter les pertes irréversibles pour le bon fonctionnement des écosystèmes.
Cette gestion précautionneuse est la seule susceptible de garantir la pérennité de ce bien commun indispensable à la survie de l’humanité.
1. Millenium Ecosystem Assessment, Ecosystems and Human Well-being : a Framework for Assessment. Island Press, 2005, 245 p. • 2. L’humus sous toutes ses formes. Guide de reconnaissance illustré. B. Jabiol, A. Brêthes, J.F. Ponge, F. Toutain, J.J. Brun, 2007, AgroParisTec- Engref Eds., 70 p.