L’espace Glacialis, on peut toucher !

 
La parole à Christophe Gotti

Espaces naturels n°24 - octobre 2008

Pédagogie - Animation

Christophe Gotti
Garde-moniteur et photographe. Parc national de la Vanoise

 

Inauguré en décembre dernier, l’espace muséographique Glacialis est entièrement dédié aux glaciers de montagne. Il accueille un large public venu comprendre l’évolution des glaciers dans un contexte de réchauffement climatique. Cet espace muséographique vient ainsi compléter la palette des outils pédagogiques du parc.

Voilà plusieurs années que vous travaillez avec les enfants afin de les sensibiliser au respect de la nature ; l’ouverture de l’espace muséographique Glacialis change-t-elle votre approche pédagogique ?
Le parc a délibérément choisi de travailler avec les scolaires de la zone périphérique1 de l’espace protégé, et ce sur le long terme. Nous intervenons régulièrement dans les classes ; du reste, aujourd’hui, les enfants de Champagny-en-Vanoise se sont approprié le parc et en parlent comme étant le leur. Alors, bien sûr, Glacialis complète la palette de nos outils pédagogiques. Mais vous m’interrogez sur la pertinence de cet espace muséographique (que d’ailleurs le parc a contribué à concevoir et dont il finance une partie du fonctionnement) et comme vous vous en doutez, je vais en faire l’éloge. Tout d’abord, parce que le thème des glaciers s’inscrit dans le patrimoine local et qu’à ce titre, il permet de traiter d’écologie, d’économie, des relations entre l’homme et son milieu, du réchauffement climatique, de l’abandon pastoral… Toutes choses pour lesquelles nous avons le devoir de sensibilisation. Ensuite parce que le musée est très complémentaire des sorties de terrain. Il nous permet d’approfondir certains points comme le rapport au temps.
Le rapport au temps ! ?
Récemment, par exemple, nous avons conduit la classe de CM2 de Champagny-en-Vanoise jusqu’au pied du glacier du Génépy à 2 500 mètres d’altitude, un des glaciers qui composent la plus grande calotte glaciaire française. Durant les trois heures de montée, nous nous sommes fréquemment arrêtés, nous avons commenté, expliqué, pris des notes, fait des dessins. Mais, du haut de leurs dix ans, les enfants ont parfois du mal à percevoir l’évolution de la nature. Comme les adultes du reste, ils en ont une perception assez figée. Au musée, un film de Luc Moreau - un glaciologue - nous a permis de voir le glacier en mouvement. Pendant un an, chaque jour, le réalisateur a pris une photo au même endroit. En accéléré, cette succession d’images, montre clairement que le glacier est un fluide. Il ne s’agit pas uniquement d’une approche scientifique mais d’une manière de discerner l’instabilité de notre environnement y compris social et humain. C’est par ce biais que les enfants ont compris la catastrophe glaciaire qui, il y a deux siècles, a secoué notre région. Des séracs tombés du glacier de l’Epéna avaient fabriqué une sorte d’endiguement provoquant la création d’un lac. Mais avec le temps, la pression de l’eau a été trop forte, le barrage de glace a cédé, et la vallée a été inondée. Après avoir vu ce film, les enfants ont pu faire le lien entre ce paysage, qu’ils côtoient, et sa relation à l’homme.
Quel est, selon vous, le point fort de la scénographie de l’espace Glacialis ?
En tant que pédagogue, j’apprécie beaucoup le fait que l’on puisse toucher. Souvent, le sens tactile est négligé, or ici, ce n’est pas le cas. Les supports sont conçus solidement, les maquettes de glaciers, par exemple, sont réalisées de telle manière que les enfants peuvent y promener leurs doigts et percevoir les reliefs. Ils peuvent également plonger leurs mains dans de la farine glaciaire, ce résidu d’érosion aux aspects sableux.
Si vous deviez parler des points faibles de cet espace muséographique ?
(Sourire…) On manque de place ! Il faudrait un peu plus de recul devant certains panneaux.
Plus sérieusement, il faudrait peut-être revoir l’écriture de certaines informations pour les rendre plus accessibles. Elles sont quelquefois trop scientifiques et nous devons les « traduire » pour que les enfants comprennent. Du reste, nous travaillons avec la classe de cours moyen de l’école primaire de Champagny-en-Vanoise à la réalisation d’un livret pédagogique à destination des autres scolaires.
Vous parliez de complémentarité entre le musée et les visites de terrain. Comment organisez-vous les choses ?
Pour compléter l’approche documentaire offerte par le musée, les agents du parc ont mis en place un sentier des glaciers : d’une borne à l’autre, d’un point de vue à l’autre, les randonneurs sont invités à parcourir huit cents mètres de dénivelé, un livret explicatif en poche. On note d’ailleurs que la visite de l’espace Glacialis suscite l’envie d’effectuer ce parcours. C’est important car, pour bien comprendre, il faut accepter de s’immerger dans un univers nouveau.
C’est pourquoi d’ailleurs, cherchant à optimiser ce possible, le parc met un refuge à la disposition des scolaires. Ils peuvent passer une ou plusieurs nuits dans ce bâtiment pour se couper de leur quotidien et basculer dans l’univers des glaciers. En effet pour bien comprendre, il faut aussi voir, vérifier, sentir ; transformer une découverte en expérience personnelle.

Recueilli par Moune Poli

1. Maintenant appelée aire d’adhésion.