L’isolement : le lot quotidien

 
Conservateur

Espaces naturels n°24 - octobre 2008

Le Dossier

Bernard Patin
Depuis juillet 2003, il est directeur adjoint du Parc national de Guadeloupe, gestionnaire de la réserve naturelle du Grand cul-de-sac marin. Il était auparavant chef du service aménagement du Parc national des Écrins.

 

Gestionnaire d’espace naturel protégé, j’avais quelques inquiétudes concernant la manière d’aborder mes nouvelles responsabilités en outre-mer. Aussi, arrivant en Guadeloupe en provenance des Alpes, j’ai d’abord entamé une phase intense de découverte du territoire et des milieux naturels : les mangroves, la forêt tropicale humide, la lagune marine, la barrière corallienne… que je ne connaissais pas. J’ai craint un temps que ma méconnaissance des milieux tropicaux soit un lourd handicap et j’ai eu le sentiment d’avoir une montagne de connaissances en botanique à acquérir… car la diversité biologique végétale est extrême aux Antilles ! Il m’a donc fallu appréhender rapidement la fonctionnalité écologique des territoires. Heureusement, les grands principes de l’écologie sont universels et mes craintes se sont avérées injustifiées.
Il m’a fallu également m’insérer dans le contexte humain du parc national : une démarche qui réclame humilité et écoute. Il existe ici des compétences, des savoirs et des savoir-faire qu’il faut utiliser et valoriser.
Quant aux dispositifs administratifs et réglementaires, ce sont sensiblement les mêmes, à l’exception de quelques particularités prenant en compte les spécificités ultramarines. Aussi, dans la gestion quotidienne, il n’y a guère de différences entre l’outre-mer et la métropole… sauf à considérer que les biotopes des collines de l’Artois et ceux du massif des Maures sont identiques et que la métropole est une morne plaine uniforme !
En revanche, la vraie particularité tient au sentiment d’isolement auquel on ne s’adapte pas, d’autant que, vu depuis la France, les métropolitains ne le comprennent pas. La Guadeloupe est loin des centres de décision et de concertation nationaux. En fait, la difficulté principale consiste à gérer la distance et à travailler sans contact humain direct avec les collègues du réseau. En effet, même si des outils de communication collectifs tels que les visioconférences existent, en réalité, en métropole, les salles équipées sont rares et, par ailleurs, elles sont souvent non opérationnelles. Quant aux moyens individuels (de moins bonne qualité mais faciles à mettre en œuvre, telle la messagerie instantanée avec vidéo), il faudrait, pour qu’ils fonctionnent, que nos collègues ouvrent systématiquement, au démarrage de leur ordinateur, Skype ou msn par exemple (condition impérative pour communiquer via ces outils) et que les responsables des réseaux dans les services de l’administration ou de nos partenaires cessent de faire la chasse à ces connexions dont ils considèrent qu’elles relèvent du loisir ou qu’elles sont grandes consommatrices de bandes passantes.
La rupture de l’isolement reste donc, aussi, dépendante du comportement collectif et individuel de nos collègues métropolitains.