Une réalité qu’ils ne soupçonnaient pas

 
Entrer en profession

Espaces naturels n°24 - octobre 2008

Le Dossier

Gérard Ruven
Chef de la division formation à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage. Avant d’être ingénieur, il a été dix ans agent de terrain, puis onze ans chef d’équipe.

 

L’État, les collectivités locales et le monde associatif cherchent « des experts en environnement ». Des concours sont organisés et il m’arrive fréquemment de participer aux jurys de recrutement des agents techniques de l’environnement et des techniciens environnement. J’observe alors que les filières actuelles vers les métiers de la nature restent inadaptées. Ainsi, normalement, les concours sont organisés pour les titulaires de brevets techniques notamment pour les nombreux jeunes qui, après le collège, prennent une orientation agricole spécialisée afin de se préparer au métier d’agent de l’environnement. Pour eux, la réalité est cruelle. Ils parviennent rarement aux épreuves d’admission des concours. En effet, ils sont en concurrence avec des jeunes gens beaucoup plus diplômés et c’est ainsi que les postes sont essentiellement pourvus par des ingénieurs ou des thésards. Du coup, des vocations se perdent. Des fossés se creusent. Cette situation engendre frustrations et conflits dans les équipes en place. Ceux qui échouent aux concours doivent alors se contenter de contrats plus ou moins précaires ou changer d’orientation.
Par ailleurs, lors des jurys de concours, j’ai pu m’apercevoir que les candidats tendent à idéaliser une profession censée être harmonie, parfums et communion avec la nature. Ils découvrent avec surprise qu’il faut mettre un uniforme et porter une arme de défense. Ils entrevoient un quotidien qu’ils n’imaginaient pas : horaires du week-end ou surveillances nocturnes sous la pluie et dans le froid… Ils découvrent aussi comment sur réquisition, il faut capturer, anesthésier, voire abattre des animaux. Jusqu’aux devoirs du fonctionnaire (servir, obéir, être discret, etc.) qui leur étaient insoupçonnables.
Mais de nouveaux métiers émergent, ils sont en devenir. La réforme de la fonction publique s’amorce. L’environnement nécessite des chercheurs et des experts de terrain. Dans un avenir proche, nos systèmes d’éducation et d’orientation devront s’adapter. Il faut simplement que chacun soit à sa place dans le dispositif. Les postes d’agent technique et de technicien devraient être réservés aux titulaires de brevet de technicien agricole (BTA) ou supérieur (BTS) Gestion et protection de la nature, alors que ceux d’ingénieurs reviendraient aux plus diplômés. Naturellement, il faudra que notre ministère de tutelle soit véritablement doté d’un corps de catégorie A.
Le potentiel humain existe. La volonté collective et politique s’affirme. Il est temps ! C’est possible ! C’est essentiel !