Trait de côte

 

Espaces naturels n°31 - juillet 2010

Des mots pour le dire

Fernand Verger
Professeur émérite à l’École normale supérieure. Conseiller scientifique du Conservatoire du littoral.

 

La détermination de la limite entre la terre et la mer a été une préoccupation juridique ancienne. On rappellera que l’ordonnance de la Marine d’août 1681, œuvre de Colbert, fixait cette limite à la ligne atteinte par la mer pendant les nouvelles et pleines lunes, et « jusqu’où le grand flot de mars se peut étendre sur les grèves ».
Cette ordonnance envisageait essentiellement les côtes de la façade océanique de la France soumises à une marée notable, alors qu’en Méditerranée, demeuraient applicables les Institutes de Justinien selon lesquelles « le rivage de la mer s’étend jusqu’où parvient le plus grand flot d’hiver ».

Le terme de trait de côte apparaît ultérieurement pour définir la ligne atteinte par la mer lors de la plus grande marée astronomique possible (cœfficient 120) avec des conditions météorologiques normales et la ligne atteinte par les tempêtes d’hiver en Méditerranée.

Le tracé du trait de côte peut être simple sur les rivages accores1 ou sur les côtes sableuses uniformes. Il se complique dans les estuaires où il accompagne les rives du fleuve et dans les lagunes de Méditerranée dans lesquelles il pénètre par les graus.
L’utilisation fréquente de cette notion a conduit l’Institut géographique national et le service Hydrographique et océanographique de la marine à en donner une expression graphique accessible sur le site Geoportail.

Le trait de côte se déplace sous l’action des agents géomorphologiques. L’érosion tend à le faire migrer vers l’intérieur des terres principalement sous l’effet des vagues. L’accumulation produit un mouvement inverse avec la progression des dépôts appelée progradation, comme dans beaucoup de deltas ou dans certaines baies dont les fonds se comblent.

On parle aujourd’hui de gestion du trait de côte car la civilisation contemporaine a tendance à le déplacer. Vers l’intérieur des terres, en creusant des bassins portuaires ; vers l’extérieur par la création de digues, de polders ou de terres-pleins industriels. La gestion comporte des actions de protection des biens et des personnes, tendant à stopper ou à déplacer les actions d’érosion par des ouvrages longitudinaux (digues, plantations…) ou par des ouvrages transversaux (épis). Elle peut aussi recourir à l’apport de sédiments pour recharger les plages. Dans certains cas, la gestion peut consister à accepter l’évolution naturelle ou même à rendre des terres à la mer en pratiquant des dépoldérisations propices à la biodiversité et favorables à une meilleure défense face à la montée du niveau de la mer.

1. Abrupts.