Polynésie française

Les habitants des atolls définissent leurs règles en référence à leur culture

 

Espaces naturels n°31 - juillet 2010

Le Dossier

Catherine Cibien
Man and biosphere

 

En Polynésie, le dialogue constitue l’outil privilégié pour favoriser une gestion durable des ressources.

En 2002, un projet vise à agrandir la réserve de biosphère de l’atoll de Taiaro (Polynésie) à l’ensemble des sept atolls de la commune de Fakarava. La proposition émane des élus de Fakarava, du gouvernement de Polynésie française relayée par le comité Mab1 France.
En accord avec le concept et les pratiques des réserves de biosphère de l’Unesco, les règles concernant l’usage des ressources seront élaborées avec les populations, lesquelles sont également sollicitées pour établir un zonage spatialisant les types de réglementations et modes de gestion.
Ici, où le milieu naturel offre les principales ressources (la majorité de la population vit de la pêche, de la coprahculture, de l’artisanat, de la perliculture), certaines questions cruciales vont se poser : comment réglementer les prélèvements d’œufs de kavekas (sternes fuligineuses), de kaveu (crabe de cocotier) ou encore ceux de coquillages endémiques de Niau, de bénitiers, de pati (poissons laits), etc.

Les services administratifs, membres de l’organe de gestion de la réserve, ne peuvent être en permanence sur site, faute de moyens humains et financiers. Ils choisissent tout de même d’accompagner les acteurs locaux dans l’élaboration des règles de gestion en réalisant de nombreuses missions dans ces îles. Ainsi, sur chaque atoll, des réunions publiques sont organisées par la municipalité, permettant d’expliquer ce qu’est une réserve de biosphère, ses objectifs intégrés de conservation, d’éducation, de recherche et de développement, et d’aboutir à la mise en place de différentes zones et des règles qui s’y appliquent. La participation de la population est active.
Les débats portent principalement sur la gestion des ressources. Des conflits d’usages peuvent parfois se révéler. L’atoll de Niau en est une illustration puisqu’une partie de la population souhaite l’interdiction de l’exportation de poissons laits tandis qu’une autre exprime son désaccord.

Le dialogue se fait en référence avec l’identité et la culture des populations. Ainsi, certaines zones de la réserve renvoient à la culture du rahui polynésien : un outil de gestion traditionnelle des écosystèmes et des ressources naturelles utilisé par les Polynésiens avant l’arrivée des Européens. Celui-ci visait à garantir des réserves de nourriture ou le maintien d’espèces particulières en restreignant ou défendant l’exploitation de ressources naturelles ou cultivées2.
On note alors que trois des atolls ont intégré des rahui dans leur zonage pour des périodes allant de six mois à deux ans.
La concertation aboutit également à la définition des zones à vocation touristique, agricole… et à l’ensemble des modes de gestion des zones terrestres et lagonaires.

Certaines règles ainsi définies se sont révélées inappropriées ou inapplicables. À la demande de la population, elles devront être révisées. Certaines zones de rahui par exemple, sont aujourd’hui remises en cause. Un processus de révision est donc en cours, et les administrations locales poursuivent leur accompagnement de définition de mesures de gestion.
Le comité de gestion de la réserve de biosphère (il regroupe les principales parties prenantes de l’ensemble des sept atolls et est présidé par le maire de Fakarava), recueille et étudie toutes les propositions à cet effet.
Par ailleurs, plusieurs associations permettent un travail de relais. Constituées sur divers atolls, elles visent la mise en œuvre des mesures de gestion et la valorisation de la réserve de biosphère. 
Officiellement désignée en 2006 par l’Unesco, la réserve de biosphère est inscrite dans le droit de la Polynésie française. Si les changements apportés au zonage et aux modalités de gestion se révèlent importants, l’Unesco en sera informé.

1. Man and biosphere. • 2. On posait un rahui pour une durée définie, au cours de laquelle la ressource peut se reconstituer (sur une zone délimitée ou sur des espèces).