Compétences pour la gestion

Un stage pour identifier le chant des oiseaux

 

Espaces naturels n°31 - juillet 2010

Management - Métiers

Olivier Grosselet
Philofauna

 

Partir en stage afin de savoir reconnaître le chant des oiseaux, c’est acquérir une précieuse compétence pour gérer la biodiversité.

Pour gérer, il faut connaître. Et pour connaître, il faut parfois savoir écouter. D’où l’intérêt d’un stage d’initiation à l’ornithologie où l’on apprend à décortiquer et finalement retenir un son émis par un oiseau. L’apprentissage est progressif et insistant sur la structure physique du son. Le chant bi-syllabique du pouillot véloce est comparé au timbre et au rythme des notes vives de la mésange charbonnière, ou à celles répétitives d’un cri de pinson des arbres. D’onomatopées en analyses structurales, les sons acquièrent du sens.
La nature prend alors du volume et la diversité avienne s’accroît. Et pour cause, dans les milieux fermés, tels les forêts, les bocages serrés ou les broussailles, l’ornithologie de terrain dépend à 80 % de l’oreille. Les échantillonnages ponctuels simples (EPS) dans le cadre des suivis de l’évolution des populations d’oiseaux en France, les indices ponctuels d’abondance (IPA) pour les inventaires localisés, témoignent de l’importance de reconnaître les oiseaux à leurs émissions sonores, cris, chants, tambourinages…
À cette émanation de suivis et d’inventaires s’ajoute une autre dimension : écouter les populations dans leurs subtilités sonores.
Ainsi nous pouvons discerner des dialectes ou des régiolectes entre les différentes populations ; ils se caractérisent par des vocalisations limitées à des sous-populations dans une aire géographique donnée. Les dialectes occupent des espaces se recouvrant, tandis que les régiolectes sont définis par des aires géographiques distinctes. Le pas vers la sous-espèce, voire la spéciation en cours, est parfois franchi. Cette pratique de la différentiation vocale est présente chez plusieurs espèces, dont les bruants, le troglodyte mignon ou encore nos deux grimpereaux, pour lesquelles la dérive des chants est tellement forte qu’il est permis d’émettre des hypothèses sur leur degré et leur durée d’isolement en corrélation avec la modification des structures acoustiques. Quelle aubaine pour les milieux insularisés, comme les grands massifs forestiers !
De plus, nous pouvons accéder à l’âge de l’individu chanteur comme, par exemple, avec la mésange charbonnière. Il est aussi possible de savoir si les plastronneurs sont en couple ou célibataires, ces derniers tendant à siffler plus que les premiers. Nous entrons alors dans le détail de la composition, de la dynamique et de l’évolution des populations, tout en restant les mains dans les poches… ou presque !
L’emploi d’un enregistreur apporte une finesse supplémentaire à la compréhension des variations d’un son mais, fort heureusement, certaines différences sont accessibles à l’oreille… nue !
Ainsi, tout le monde connaît le rire sonore du pic vert. Dans le sud-ouest de la France, nous rencontrons deux sous-espèces : Picus viridis viridis, sous-espèce nominale, couvrant tout le territoire national, et Picus viridis sharpei, sous-espèce ibérique. S’ils se distinguent par le dessin du masque facial, il est bien difficile de les apercevoir dans les jumelles, lorsqu’ils sont en fuite devant l’ornithologue. Par chance, ils émettent un cri d’une tonalité distincte. Ainsi, le Parc national des Pyrénées, en zone centrale et en zone d’adhésion, regroupe les deux sous-espèces1. Une simple écoute cartographiée permettra de suivre l’évolution des populations. Observerons-nous une progression nordique de la sous-espèce méditerranéenne ? Qui aurait cru, en venant à un stage d’initiation, repartir avec l’espoir d’entendre les effets du réchauffement climatique ?

1. « Le pic de Sharpe dans les Pyrénées occidentales », J.-L. Grangé, Le casseur d’Os, 2008.