La parole à Jean-Claude Génot

Quelles forêts dans les aires protégées ?

 

Espaces naturels n°36 - octobre 2011

Le Dossier

Jean-Claude Génot
Chargé de la protection de la nature au Syndicat de coopération pour le Parc naturel régional des Vosges du Nord.

 

Moins de 1 % des forêts françaises ont un statut de protection en réserve intégrale. C’est pourquoi les réserves naturelles nationales et les zones centrales des parcs nationaux devraient avoir comme ambition de ne plus exploiter leurs forêts, anciennes ou spontanées, afin de devenir des écosystèmes de référence.
Les autres aires classées : parcs naturels régionaux, réserves de biosphère ou sites Natura 2000, devraient viser une sylviculture fondée sur l’écologie, garante d’une gestion réellement multifonctionnelle. Une telle gestion permet de produire des gros et très gros arbres de qualité pour une économie locale à haute valeur ajoutée, seule option viable pour les pays d’Europe occidentale dans un marché mondialisé.
Cette sylviculture doit respecter les essences autochtones, favoriser la stratification verticale et le couvert permanent, ce qui mène à une structure irrégulière. Elle doit épargner les sols en limitant la mécanisation, en l’adaptant à la forêt, en maintenant les phases de sénescence (rémanents, îlots, réserves intégrales qu’il n’est pas interdit de faire de moins grande taille en dehors des aires protégées).
Cette option sylvicole n’est pas seulement technique. Elle relève d’un choix éthique pour lequel la gestion doit renforcer la résilience de la forêt en travaillant avec la nature ; en refusant certaines interventions trop artificielles.
Cette gestion est aussi un atout économique, dans la mesure où l’économie a besoin d’une forêt plus naturelle, capital de production soutenable, et non d’une forêt inféodée aux caprices du marché.
Évidemment, mettre en œuvre une telle gestion demande une véritable révolution culturelle que certains forestiers, publics ou privés, ont commencé à opérer. Mais pour obtenir ces évolutions, le gestionnaire d’espace protégé doit déployer une stratégie d’immersion forestière : comprendre le vocabulaire du forestier, passer du temps à observer la forêt, débattre, sensibiliser, partager des connaissances et entrer en conflit.
Bref, il faut, pour réussir ce défi, devenir une sorte d’éco-forestier qui sait influencer la gestion sans y prendre part. Cette gestion intégrée dans les aires protégées est la seule alternative à la politique actuelle en y répondant par « produire mieux, tout en intégrant plus la nature ».