Ils en témoignent

« Problème de formation : les propriétaires ne sont pas forestiers »

 

Espaces naturels n°36 - octobre 2011

Le Dossier

Luc Bouvarel
Directeur général de la Fédération des forestiers privés de France. Ingénieur forestier.

 

Trois quarts de la forêt française appartiennent à 3,5 millions de propriétaires privés. 2,4 millions d’entre eux possèdent moins d’un hectare. En fait, la forêt est morcelée et la majorité des propriétaires a peu de savoir-faire (ils ont hérité des propriétaires agricoles du 19e siècle). Face à ce constat, l’enjeu est de faire comprendre à ces non-professionnels que s’ils produisent en appauvrissant l’écosystème, il suffira de 20 à 25 ans dans certains milieux pour noter des baisses de production.
Pour asseoir cette prise de conscience, la fédération des forestiers privés de France participe au développement de divers outils. Le document de gestion, réglementaire par nature, induit une démarche volontaire du forestier (37 000 propriétaires aujourd’hui). Il constitue un engagement juridique. À travers sa mise en place, le propriétaire apprend à décrire ses peuplements, à comprendre ce qu’il y a à faire, il devient forestier. Nous ne lui demandons pas de devenir technicien mais de prendre en compte l’importance de gérer, c’est-à-dire d’exploiter de manière raisonnée.
Nous avons également mis en place des formations ou encore des outils tel l’indice de biodiversité potentielle. Il montre, en appréhendant les habitats, les incidences possibles de l’intervention humaine sur le fonctionnement de l’écosystème.
Nous exerçons l’œil du forestier non seulement à apprécier la qualité des bois mais à remarquer ceux qui sont favorables ou indispensables au fonctionnement de l’écosystème.
Il y a encore une quinzaine d’années, un forestier aurait enlevé un arbre mort. Il fallait que la forêt soit propre ! Aujourd’hui, on y porte une attention particulière, on peut donc être amené à le conserver.
Autre enjeu plus directement économique, le morcellement de la forêt nécessite de travailler en concertation avec d’autres propriétaires voisins. La démarche d’une labellisation de la gestion forestière va d’ailleurs dans ce sens. Cela suppose un travail d’animation sur les territoires mais, politiquement parlant, elle n’est pas encore très portée.