Collectivités

Des sanctuaires de nature dans les communes volontaires

 

Espaces naturels n°55 - juillet 2016

Le Dossier

Jean-Claude Génot
PNR Vosges du Nord

Le territoire se mobilise afin de garantir une protection durable à des éléments naturels emblématiques, que les acteurs ont eux-mêmes désignés.

La bétulaie de Bitche (Vosges du Nord).

La bétulaie de Bitche (Vosges du Nord). © J.C. Génot

La nouvelle Charte du Parc naturel régional des Vosges du Nord prévoit de créer, à l’initiative des communes, un sanctuaire de nature spontanée dans chaque village du parc et de les mettre en réseau. Il ne s’agit pas de donner un statut réglementaire à ces propriétés communales ni de les choisir parmi des zones déjà inventoriées sur le territoire du parc. Initiative du conseil scientifique, cette expérience doit être l’occasion pour les communes et les habitants de s’exprimer sur le type de nature, sauvage ou domestiquée, qui mérite d’être « sanctuarisée » et sur la nature même de cette sanctuarisation.

Elle implique un travail de fond avec les élus locaux et les habitants au travers d’animations destinées aux scolaires et aux habitants sous forme d’approche sensible, d’inventaires participatifs voire de médiation artistique pour connaître leur perception de la nature et les valeurs qui s’y rapportent (curiosité, rejet, vision utilitaire, bien-être, valeur intrinsèque, inspiration artistique, etc.), afin de permettre l’appropriation locale du sanctuaire. Un appel à projet « désigner un sanctuaire » a été envoyé aux cent dix communes du parc en juin 2015, à la suite duquel neuf communes ont contacté le parc dont cinq ont été retenues dans un premier temps. 

Ces cinq communes ont proposé six sites, compris entre 60 ares et 4,7 ha. Il s’agit principalement de forêts spontanées sur d’anciennes terres agricoles, de friches humides et d’un verger haute tige avec haies et vieux arbres fruitiers, seul site faisant l’objet d’un usage agricole. À une seule exception, il n’existe aucun inventaire de la faune et de la flore. Ces sites représentent une nature de proximité car ils sont tous accessibles à pied par les habitants de la commune concernée. Ils sont presque tous classés en zone N dans le plan local d’urbanisme. Les cinq communes ont signé une convention avec le parc pour sceller l’appartenance au réseau des sanctuaires et s’engager pour la prise en compte de leur site.

Un correspondant pour chaque site a été désigné par la commune. Il s’agit du délégué au parc, voire de la chargée de l’environnement de la commune. Le parc soutient financièrement les communes pour les animations, la première année de l’entrée dans le réseau. Le prototype d’une signalétique commune a été conçu par un artiste local, ainsi que la maquette d’un document d’information sur chaque sanctuaire. Ces sanctuaires pourraient faire partie de l’observatoire photographique du parc. Ils peuvent également contribuer à l’échelle locale à la déclinaison de la Trame verte et bleue.

Cette opération a pour originalité d’aborder la question de la nature par l’appropriation locale. Ce sanctuaire deviendra ce que les élus locaux et les habitants décideront d’en faire et pas ce que les spécialistes de la protection peuvent imaginer. Il peut devenir un lieu auquel la commune pourrait s’identifier au même titre qu’une place de village ou un monument. Il a vocation à accueillir les habitants qui veulent découvrir ce bout de nature sauvage plus ou moins oubliée qui relève plus du Tiers paysage cher à Gilles Clément que d’un site « patrimonialisé » par le monde des gestionnaires de la biodiversité.