Filière bois

La France doit recourir à l’importation

 

Espaces naturels n°36 - octobre 2011

Le Dossier

Jean-Luc Guitton
Adjoint au sous-directeur forêt et bois. Ministère de l’Agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire.

 

Multifonctionnelle, la forêt française est la troisième d’Europe en surface. Elle doit cependant avoir recours à l’importation pour faire face aux besoins de l’industrie.

La France consomme plus de bois que n’en produisent ses forêts. Elle a donc recours à l’importation de bois tropicaux, de pâte à papier, de sciages résineux et de produits finis tels que les meubles. Cette situation participe d’ailleurs, plus ou moins directement, aux excès d’exploitation de certains pays.

Situation économique. Ce déficit en bois représente plus de cinq milliards d’euros en 2009. Outre ce préjudice financier, ce bilan constitue une perte d’emplois. On compte en effet un emploi pour 200 m3 de bois d’œuvre transformé (220 000 emplois pour la récolte et la transformation, autant pour le commerce et la mise en œuvre). Or, si la France a fait des efforts constants de gestion et d’enrichissement des forêts (depuis 1950, elle a reboisé plus de deux millions d’hectares de terres agricoles abandonnées), elle pourrait récolter davantage ; le déficit de récolte, au regard de la croissance annuelle des peuplements étant estimé à 40 % de la production actuelle.
La situation conduit à une augmentation néfaste de la densité des forêts. Les arbres trop serrés deviennent filiformes, ils sont sensibles au vent, aux neiges lourdes, au stress hydrique, aux parasites qui se développent davantage dans une atmosphère confinée. De plus, l’adaptation au changement climatique nécessite de remplacer des peuplements en situation climatique limite, avant que ne se produise leur dépérissement.
Des études basées sur la composition des forêts en classes d’âge et sur des modèles de sylviculture ont conclu qu’il était possible de récolter vingt et un millions de mètres cubes supplémentaires tout en respectant la production naturelle. Sur ces vingt et un millions, neuf sont destinés au bois matériau et douze au bois d’industrie ou au bois énergie, du fait de leur faible section ou qualité (présence de nœuds, bois tordus…).

État des forêts. La composition en essences de nos forêts est constituée pour un tiers de bois résineux, pour deux tiers de feuillus. Quatre cinquièmes de bois poussent en forêt privée contre un cinquième en forêt publique.
Du fait de sa facilité de mise en œuvre, la demande de bois est en augmentation forte pour la construction, l’isolation, ainsi que pour la consommation énergétique ; notamment pour répondre aux engagements de l’Union européenne en énergie renouvelable. Par ailleurs, les pays européens voisins commencent à importer du bois énergie de France.
Comme les lois du marché conduisent à concentrer les activités et investissements sur les zones les plus productives et les plus accessibles, il convient de freiner les exploitations dans ces secteurs pour les reporter ailleurs.

Contrôler. De par le code Forestier, l’État contrôle la gestion forestière en agréant les documents de gestion afin de répondre aux besoins économiques (étalement de la récolte dans la durée et bonne répartition), écologiques (maintien de la biodiversité, ne serait-ce que par l’équilibre des classes d’âge et la conservation de gros bois) et sociaux (législation sociale, paysage, protection des eaux et des sols).
La pièce essentielle de ces documents de gestion est le tableau des coupes et travaux qui doit prendre en compte la nature des peuplements de la forêt et les objectifs de gestion du propriétaire mais aussi être conforme aux directives de gestion nationale et régionale. Toutes les forêts publiques et une grande partie des forêts privées (celles de plus de 25 ha) doivent être gérées selon ces documents agréés.
L’enjeu de ces pratiques est de garantir l’avenir de l’espace forestier français, le troisième d’Europe en surface.