Parc naturel régional du Luberon

D’accord d’un coup de martelage

 

Espaces naturels n°36 - octobre 2011

Le Dossier

Aline Salvaudon
PNR du Luberon

 

Détourner un outil de formation professionnelle pour en faire un espace de confrontation, concertation, réflexion sur la forêt. C’est ce que permet le marteloscope.

Les professionnels de la forêt doivent, régulièrement, marquer les arbres qui seront coupés lors de la prochaine exploitation forestière. L’opération, qui s’opère à l’aide d’un marteau forestier, est nommée martelage. Créés pour former les professionnels, les marteloscopes permettent de simuler les effets des choix effectués : sur de petites parcelles forestières de démonstration, chaque arbre est numéroté et décrit.
Les équipes qui parcourent la parcelle, choisissent les arbres à couper. Ils intègrent ensuite leurs choix dans une plate-forme informatique laquelle les analyse et compare les critères économiques, sylvicoles, écologiques…

Usage pédagogique. Si l’outil est généralement orienté vers l’amélioration de la sylviculture en vue de la production de bois d’œuvre, les Réserves de biosphère de France ont travaillé pour élargir son champ afin, par ce biais, de favoriser le dialogue et la concertation sur leurs territoires.
Ainsi, le marteloscope de la Réserve de biosphère Luberon-Lure, installé en 2008 dans la forêt communale de Ménerbes, accueille des publics diversifiés. À l’invitation du Parc naturel régional du Luberon, gestionnaires forestiers, élus et associations naturalistes s’y retrouvent pour confronter leurs approches de la gestion forestière. Par ailleurs, le Centre régional de la propriété forestière y organise des journées de formation. Des étudiants s’y exercent régulièrement. Enfin, le parc invite le grand public pour des sorties buissonnières.
Lors de l’exercice, les marteleurs vont en petits groupes. Le débat s’installe au pied de l’arbre : veut-on récolter ce gros cèdre ou le conserver comme semencier ? Les critères de choix se discutent. La parcelle se compose d’essences méditerranéennes (pin d’Alep, chêne pubescent, chêne vert, cèdre) aux valorisations variées (bois énergie, bois d’œuvre, bois d’industrie). Le marteloscope permet également d’aborder des problématiques liées aux ressources sylvopastorales, à la biodiversité et à la défense de la forêt contre l’incendie. Les groupes sont ensuite réunis pour une restitution comparative des résultats et des débats sont lancés sur des points particuliers. Faut-il intervenir plutôt sur les pins, pour diminuer le risque incendie, ou sur les chênes, pour favoriser le pastoralisme ? Quelles sont les conditions d’une coupe rentable économiquement ? Certains préfèrent nettoyer la parcelle en enlevant tous les bois morts et mal conformés, alors que d’autres les préservent pour la biodiversité.

Confrontation. L’exercice est accessible à un large public car les données techniques et les indicateurs de résultats sont présentés simplement (volume et valeur du bois exploité, impact sur la biodiversité, sur la combustibilité de la forêt, etc.).
Dans les faits, le marteloscope permet aux acteurs du territoire d’échanger sur leurs attentes et leur vision de la gestion forestière. Les élus qui s’inquiètent de la progression du pin d’Alep et des risques d’incendie peuvent se mettre dans la peau des forestiers, confrontés aux difficultés d’exploitation et de valorisation de la forêt méditerranéenne. Dans le cadre de l’animation de la charte forestière de territoire, le marteloscope permet en particulier de transposer en conditions réelles
les questionnements liés à l’augmentation de la demande locale en bois énergie et à
son impact sur la forêt du Luberon.