Développer l’humanité et conserver une nature diversifiée, est-ce possible ?

 

Espaces naturels n°35 - juillet 2011

Le courrier

Catherine Cibien
Directrice du comité français du Man and biosphère.
Robert Barbault
Président du comité français du Man and biosphère.
 

Avec des humains de plus en plus nombreux. Avec une planète qui s’est bien dégradée depuis une centaine d’années. Avec des modes de développement dont les facilités nous sont enviées par ceux, nombreux, qui n’en bénéficient pas encore, tandis que nous, habitants de pays dits développés, rechignerions en majorité à renoncer au confort acquis... est-il possible de conserver une nature diversifiée tout en répondant aux aspirations de développement de l’humanité ?
Depuis aujourd’hui quarante ans, cette immense question est au cœur du programme Mab de l’Unesco. Elle est abordée au travers d’expériences locales dans cent neuf pays.
Que nous enseignent-elles ?
Les 564 réserves de biosphère, puisqu’il s’agit d’elles, constituent des modèles de gestion associant les populations concernées et touchant des situations très diverses, des Andes aux îles de la mer Baltique, des forêts périurbaines de Saõ Paulo aux atolls polynésiens… Chacune suit un itinéraire qui lui est propre mais toutes visent la conservation de la diversité biologique et le développement des populations, en s’appuyant sur un troisième pilier, fondamental : la connaissance.
Les hommes sont au cœur des systèmes biologiques (on parle de système socio-écologique). L’accent est mis sur l’importance du dialogue et de la participation.
Pour ce faire, le schéma de zonage de chaque réserve se décompose en trois niveaux. L’aire centrale est dotée des régimes de protection réglementaire propres au pays concerné. La surface d’espaces strictement protégés est forcément limitée, et insuffisante par rapport à la diversité des enjeux de biodiversité. Alentour, des zones tampons contribuent à renforcer la protection. Elles visent l’intégration des aires protégées dans des réseaux écologiques, selon une philosophie reprise, chez nous, par la Trame verte et bleue. Dans la zone de coopération, les personnes bénéficient sous de multiples formes du bon état de conservation des ressources des autres aires : une notion assez proche de la solidarité écologique, issue de la loi de 2006 et développée dans des parcs nationaux français.
La recherche, le suivi scientifique, la promotion des savoirs locaux, l’éducation, la formation, la sensibilisation, la participation locale alimentent un dialogue au long cours des parties prenantes à propos de la gestion des milieux et des ressources.
La connaissance est l’une des clés de l’adaptation à un monde en mutation rapide et à la recherche de résilience.
Ce réseau mondial, vivant, regorge d’expériences. De nouveaux pays s’engagent : le Vietnam a créé huit réserves de biosphère depuis 2000, l’Éthiopie vient d’obtenir la désignation de la zone native du café… Plusieurs îles espagnoles sont intégralement en réserve de biosphère (Minorque, Lanzarote), certaines portent l’ambition de l’autonomie énergétique. Les réserves de biosphère transfrontalières, comme celle que nous partageons avec les Allemands (Vosges du Nord – Pfälzerwald) ou celle que les Coréens du Sud souhaiteraient établir avec leur voisin du nord, portent aussi un message de paix.
Pour faire face aux enjeux actuels, les sociétés doivent engager un changement de cap au plus vite. Par le dialogue, la participation, l’existence d’organisations locales dynamiques. L’imprégnation mutuelle de la science et de la société.
Une forme d’utopie ? Partagée en tout cas par les parcs français. On ne sera jamais de trop, s’il s’agit de faire changer le monde !