Une nouvelle façon de considérer l’apport scientifique ?

 
Entretien avec Jean-Laurent Lucchesi, directeur des Amis des marais du Vigueirat.

Espaces naturels n°35 - juillet 2011

Le Dossier

Christian Perennou
Tour du Valat

 

Les scientifiques interviennent dans les décisions de gestion. Le rôle qui leur est dévolu a-t-il évolué depuis vingt ans ?
Beaucoup. Les espaces naturels – zones humides comprises – sont devenus des points d’ancrage de vrais projets territoriaux. On y applique les principes du développement durable, dans ses trois composantes. D’autres acteurs et d’autres scientifiques que des biologistes, des sociologues, des économistes…, interviennent donc. Et de facto, les biologistes ont des rôles moins prédominants.

Diriez-vous, du fait de leurs compétences reconnues et pointues, que les scientifiques sont des acteurs « à part », avec lesquels il convient de nouer une relation particulière ?
Pas du tout. Certes le chercheur a un fort domaine d’expertise, en général très précis et de plus en plus restreint malheureusement. Mais dès que l’on sort de ce domaine, c’est un acteur comme les autres ; avec la même tendance naturelle à promouvoir son intérêt.
Reconnaissons-lui tout de même une différence notable avec les acteurs du monde économique ou social : un chercheur sait ce qu’est un « espace protégé ». Il accepte plus volontiers les contraintes de ce statut.

Comment interviennent les chercheurs ?
Ils sont présents à de multiples niveaux. En amont d’un projet par exemple, pour décrypter les jeux et les logiques d’acteurs, interviennent des sociologues, des géographes… Les chercheurs peuvent aussi avoir un rôle d’expert sur une question précise, pour la réhabilitation écologique d’anciens terrains agricoles en marais par exemple. Ils peuvent apporter les connaissances techniques qui permettront aux décideurs de faire leurs choix.
Ils peuvent aussi, par délégation, devenir les acteurs mettant en œuvre une réhabilitation d’une très haute technicité. Enfin, ils peuvent être de simples utilisateurs de nos terrains, pour les besoins de leurs expériences… à condition qu’il y ait un lien avec le plan de gestion et un retour des résultats vers l’équipe de gestion.
Nous avons également des scientifiques dans notre équipe, ils participent quotidiennement à la gestion du domaine.

Les scientifiques ont-ils évolué dans leur approche de la gestion ?
Auparavant, leur propension était surtout de considérer les espaces naturels protégés comme leurs « terrains de jeux », leur chasse gardée… Cela disparaît. Les positionnements se sont clarifiés ; les scientifiques sont devenus une catégorie d’acteurs – toujours indispensable, certes – parmi d’autres. La relation avec les chargés de la gestion est devenue plus adulte.