Dans les couloirs des sciences de la conservation

 
Le Dossier

Robert Barbault
Institut d’écologie fondamentale et appliquée

 

C’est au croisement de la biologie de la conservation et de l’écologie du paysage que s’exprime pleinement le concept de corridor biologique.

Evoquer les bases scientifiques du concept de corridor, c’est plaider pour l’interfécondation entre la biologie de la conservation et l’écologie des paysages. Nourrie d’écologie et de génétique des populations, la biologie de la conservation privilégie le modèle des petites populations et le modèle des populations déclinantes. Tandis que, fasciné par l’hétérogénéité et la dynamique des paysages, l’écologie des paysages apporte un cadre constitué par trois éléments de l’espace : les taches (bosquets, étangs, habitations…), la matrice qui les englobe et les corridors qui les relient.
De cette rencontre entre deux courants de la science, émergent le modèle des métapopulations et le modèle de l’habitat permettant à l’idée de corridor biologique de s’exprimer pleinement (cf. tableau).
À l’origine, le concept de métapopulation est une extension du modèle des petites populations. Il fait référence à un état morcelé de la population d’une même espèce, répartie dans un ensemble abstrait de « taches » (parcelles). Il expose que chacune de ces populations a les mêmes probabilités d’extinction et de colonisation.
Évoluant, ce concept donna ensuite lieu à toute une gamme de modèles applicables à des paysages réels. Ceux-là présupposent que les taches isolées ont des taux de colonisation plus faibles que les taches rapprochées et que les petites populations associées à des taches de faible taille sont intrinsèquement vulnérables à l’extinction. Cette fragilité des petites populations serait due au hasard démographique, à la dépression de consanguinité et aux effets Allee, c’est-à-dire à la diminution de fécondité ou de survie due aux faibles densités.
Écologie du paysage
Ce nouveau modèle a alors été couplé au modèle des habitats (lui-même extension du modèle des populations déclinantes). Il a été nourri par l’analyse de cas concrets dans lesquels le rôle des différentes taches n’est plus symétrique tandis que celui des corridors, comme celui de la perméabilité de la matrice, est pris en compte.
Il met alors en évidence que c’est la disposition des taches et des corridors dans la matrice qui contrôle les flux d’individus et d’espèces, donc le devenir de ces dernières. Dans ce cadre, variable dans l’espace et dans le temps, la largeur et la connectivité des corridors jouent un rôle majeur à travers leurs fonctions de passage, mais aussi d’habitat, de filtre, de source et de puits.