>>> Parc national des Cévennes

Le bois énergie sous conditions

 

Espaces naturels n°21 - janvier 2008

Gestion patrimoniale

Aline Salvaudon
Chargée de mission Forêt - PN des Cévennes

 

Le bois énergie est-il la solution miracle qu’on nous présente ? Le parc national des Cévennes qui, depuis 2005, développe et analyse des chantiers pilotes, nous invite à traiter du sujet avec précaution.

Les Cévennes… ses espaces boisés1, isolés, malaisés d’accès… 30 000 hectares de forêts cévenoles sont ainsi mal, peu, difficilement exploités : ils manquent de débouchés pour des produits de faible qualité. Récemment cependant, la demande nouvelle en énergie renouvelable a changé la donne et plusieurs projets relatifs au bois énergie ont émergé. Précurseur (avec d’autres) de cette dynamique, le parc national peut dresser un premier bilan.
En 2005, le parc installe une chaufferie bois dans le centre d’information de la Serreyrède. L’année suivante, la communauté de communes de l’Aigoual emboîte le pas afin de développer une filière locale de plaquettes forestières2. Des chantiers pilotes de production de plaquettes sont alors programmés : ils visent à mieux connaître les coûts et les rendements d’exploitation dans le massif de l’Aigoual en différenciant deux catégories d’exploitation forestière. La première vise à la réalisation d’éclaircies sylvicoles dans de jeunes forêts, difficiles à rentabiliser avec d’autres débouchés ; l’objectif de la seconde est quasi exclusivement environnemental et paysager.
Les avantages du bois-énergie sont souvent évoqués et, ici aussi, dans le cœur du parc, cette nouvelle valorisation a déjà permis la réalisation de travaux que la stricte rentabilité réclamée par les débouchés classiques n’aurait pu permettre.
C’est ainsi
qu’en 2007, le sommet du
mont Aigoual a connu une grosse exploitation3 en vue de production de plaquettes : sur dix-huit hectares de terrains domaniaux, situés sur des zones sylvo-pastorales ou à proximité de la station de ski de Prat-Peyrot, près de 1 500 m3 de pins à crochets ont été récoltés. Issus de reboisements anciens, la plupart étaient morts sur pied ou dépérissaient. Cette opération, encadrée par l’Office national des forêts, a fait l’objet d’une concertation avec le parc national et permis d’appréhender l’ensemble des enjeux : ré-ouverture d’une zone pastorale pour les bergers transhumants, amélioration du paysage pour les vacanciers, préservation de stations d’espèces protégées.
Ce type d’exploitation a également un impact sur le paysage. En effet, l’ensemble des arbres et des branches étant broyés puis évacués du terrain, les travaux de nettoyage des rémanents sont évités.
Cependant, malgré ces arguments favorables, le bois énergie reste « sous condition ». En effet, la forêt des Cévennes représente une ressource importante de plaquettes forestières mais sa mobilisation doit tenir compte des difficultés d’accès et des temps de transport. La rentabilité est donc toute relative, et conduit les exploitants à privilégier les chantiers de grande taille, faciles d’accès, et concernant de gros arbres… autant de choses qui peuvent conduire à des abus, tels ces coupes rases réalisées illégalement dans le cœur du parc cette année.
Concernant les enjeux environnementaux, le bois énergie n’est donc pas la solution miracle. La production de plaquettes sans discernement peut aller à l’encontre d’une gestion multifonctionnelle de la forêt, laquelle tente de concilier la production de bois avec l’équilibre écologique du milieu.
Ainsi, il faut encourager l’exploitation des premières éclaircies (auparavant difficilement commercialisables) en vue de la
production de bois d’œuvre, plutôt que d’effectuer des coupes rases de taillis à courte révolution orientées uniquement vers la production de bois-énergie. Il faut éviter, également, de transformer en plaquettes les rémanents de coupe (houppiers), pour ne pas risquer de conduire à l’appauvrissement des sols. De même, on choisira d’exploiter prioritairement les accrus spontanés qui colonisent des anciens terrains agricoles. Il est ainsi possible de sauver de la disparition des tourbières, landes et pelouses, sans financements complémentaires. Ce choix sera alors judicieux car il combine un double objectif économique et écologique.

1. La surface boisée couvre les deux tiers du territoire.
2. Plaquettes de petite taille, composées de bois déchiquetés et utilisées comme combustible.
3. L’entreprise concernée est lozérienne. C’est également le principal producteur de plaquettes forestières du département pour l’approvisionnement de son usine de co-génération à Mende.