Grèce - Albanie - Macédoine

Limiter le nombre d’indicateurs. Comment je m’y prends ?

 

Espaces naturels n°33 - janvier 2011

Le Dossier

Christian Perennou
Fondation Tour du Valat

 

Le pragmatisme comme facteur de réussite. Telle est la leçon d’une expérience transnationale réussie.

Huit espèces de poissons et des dizaines d’invertébrés endémiques, la plus grande colonie au monde de pélicans frisés… les grands lacs de Prespa entre Grèce, Albanie et Macédoine, sont un haut lieu de biodiversité.
Comment élaborer le jeu minimal d’indicateurs qui permettra un suivi régulier de ces lacs et leur bassin versant ? Le caractère transnational du site rend la question d’autant plus complexe.
En 2007, la Tour du Valat (mandatée pour aider à la mise en place d’un système de suivi) fait le bilan des grands enjeux de conservation du site. La très riche expertise locale des trois pays sert de support à ce travail. Des priorités sont établies, mais la richesse du milieu est telle qu’il n’est pas envisageable de suivre toute la biodiversité d’importance internationale… sans parler des espèces ou habitats d’intérêt « seulement » national.
Nécessairement, des choix doivent être faits. Ils seront partiellement arbitraires puisque les critères techniques n’ont pas permis de départager les espèces et habitats de haute valeur. Heureusement, l’objectif du système de suivi à court terme est clairement posé : une simple surveillance continue.
Les objectifs plus nobles et ambitieux devront attendre : aide à l’évaluation de politiques publiques, système d’alerte en temps réel…
Des groupes d’experts des trois pays, complétés par des spécialistes internationaux, se réunissent alors. Leur mission est de proposer, sur la base du bilan initial, le jeu d’indicateurs jugé comme « le minimum vital absolu ». Objectif : ne pas dépasser dix indicateurs par thème (eau, poissons, végétation…)
Au total, par consensus, ce sont trente-cinq indicateurs de biodiversité qui sont proposés (plus trente-cinq autres pour les autres thèmes). Malgré la valeur de ces propositions expertes, les moyens humains et matériels ne permettront pas de les suivre tous.
Aussi, avec pragmatisme et sur la base des financements et des compétences locales rapidement disponibles, la Société pour la protection de Prespa (principale ONG locale porteuse du processus) propose une liste réduite mais réaliste de vingt-deux indicateurs, dont quinze pour la biodiversité. En l’absence d’autres moyens disponibles, les partenaires s’accordent sur cette liste. C’est un premier pas vers un suivi transfrontalier.
À la mi-2010, le suivi concernant oiseaux aquatiques, poissons, roselières… est engagé dans les trois pays, et constitue une étape prometteuse.
A contrario, d’autres observatoires, qui n’ont pas bénéficié de ces leçons, montrent qu’un développement restant figé sur une simple approche d’experts conduit à la stagnation.