L’abondance peut nuire
Quatre-vingt-deux indicateurs de biodiversité rien que pour les écosystèmes marins et côtiers ! Ce chiffre, issu d’un travail conduit en 2010 par lfremer, laisse songeur. Il résulte d’une étude des textes officiels tels la Convention sur la diversité biologique, la directive-cadre sur l’eau ou Natura 2000.
Quel que soit le domaine, la quantité d’indicateurs croît. La rationalisation de la gestion et le souhait de contrôler son efficacité expliquent leur inscription dans les textes réglementaires.
Du reste, si l’on considère que la biodiversité peut s’appréhender par le biais du gène ou celui de l’écosystème ; que les critères peuvent être liés à la diversité ou à l’abondance ; que l’on peut se focaliser sur les espèces, sur les populations, sur les individus… il peut paraître tout à fait raisonnable de disposer de quatre-vingt-deux indicateurs pour qualifier l’évolution de la biodiversité marine et côtière à différentes échelles.
Cependant, cette batterie de repères est-elle vraiment pertinente pour aider le gestionnaire dans ses choix ?
En réalité, la multiplication des indicateurs de biodiversité génère un phénomène de saturation informationnelle. Ainsi, alors que leur absence génère une source d’incertitude pour la prise de décision, l’excès provoque le doute sur la conduite à tenir et induit l’inaction. Ceci, d’autant plus que certains indicateurs divergent dans leur évolution.
Par ailleurs, les « batteries d’indicateurs » créent un effet « répulsion ». Il faut beaucoup de temps pour les lire, les comprendre, les interpréter. Coûteux, cet
investissement en ressource humaine n’incite pas à utiliser ces outils.
Pour que les indicateurs soient vraiment performants eu égard à un objectif opérationnel de gestion, il est capital d’en limiter le nombre. Ils peuvent être élaborés (choisis) à partir de trois questions simples traitées avec les acteurs du territoire concerné :
• comment les indicateurs permettent-ils de faire le lien entre les objectifs de gestion, les actions à mettre en œuvre et les résultats attendus ?
• ces indicateurs font-ils sens auprès des acteurs du territoire, peuvent-ils permettre d’améliorer la qualité des discussions autour de certaines thématiques clés ?
• existe-t-il des données pour renseigner ces indicateurs et, sinon, est-il facile de collecter les données nécessaires ?
Il faut se rendre à la raison : « l’indicateur idéal n’existe pas. »