Les mesures agroenvironnementales sont-elles utiles à la biodiversité ?

 
Le Parc des Ballons des Vosges évalue l’effet des MAET. Protocoles, indicateurs et résultats

Espaces naturels n°28 - octobre 2009

Le Dossier

Fabien Dupont
Chargé de mission Natura 2000 - Parc naturel régional des Ballons des Vosges

 

Sur la partie alsacienne du Parc naturel régional des Ballons des Vosges, l’activité agricole concerne plus de 300 exploitations orientées essentiellement vers la production de lait. Depuis une quinzaine d’années, des mesures agroenvironnementales visent à encourager l’agriculture de montagne et à préserver la biodiversité (MAET, mesures agroenvironnementales territorialisées depuis 2007). Aujourd’hui, 90 % des surfaces éligibles sont contractualisées.
Au-delà de cette réussite quantitative, le parc a voulu connaître l’efficacité de ces mesures.
Pour tout suivi ou évaluation, l’acte fondateur repose sur le fait de spécifier les objectifs attendus, cahier des charges par cahier des charges. Dans le cas de la montagne vosgienne, cette étape s’est révélée relativement simple. En effet, les arrêtés préfectoraux et le document d’objectifs précisent les finalités des mesures. Pour exemple, celle intitulée « développement de la biodiversité » se fixe deux buts : développer la diversité floristique et préserver les milieux naturels favorables aux espèces animales. Le parc n’a donc eu qu’à compléter ces visées officielles (et générales) par des objectifs quantifiables, correspondant à des résultats attendus. Ceci de façon concertée avec les acteurs agricoles. La définition d’indicateurs puis l’établissement d’un protocole a ensuite permis d’effectuer le suivi.

Le protocole d’évaluation de l’impact des mesures agroenvironnementales sur la biodiversité floristique consiste à comparer, statistiquement, deux lots : d’un côté, une quinzaine de prairies contractualisées ; d’un autre, une quinzaine de prairies non contractualisées. En complément, des enquêtes agricoles sont conduites afin d’interpréter les résultats. En effet, au cas où des différences significatives de composition floristique sont mises en évidence, il faut savoir si elles sont liées ou non à des modes d’exploitation agricole différents.
L’évaluation cherche également à connaître les effets des mesures agroenvironnementales plus « exigeantes » (retards de fauche, fertilisation limitée, etc.) Pour ces cas, le protocole s’avère différent. Ainsi, lorsque cela est possible (l’échantillon doit permettre au moins quinze relevés), trois lots sont comparés : 1) un lot de prairies bénéficiant de contrat « exigeant » ; 2) un lot bénéficiant d’un contrat de base, moins contraignant ; 3) un lot de référence sans contrat. Là aussi, des enquêtes agricoles sont conduites afin d’interpréter les résultats.

• Pas de différence significative d’ordre qualitatif. Menées en 2008 sur les parcelles contractualisées en « espaces d’intérêt général » mécanisables (prairies de fauche productives), les premières investigations ont été strictement qualitatives : la méthodologie s’était en effet orientée initialement sur des comparaisons du nombre d’espèces ou du nombre de familles végétales, car il existait des données de référence datant de 1996.
La comparaison de deux lots de trente-trois prairies n’a pas permis de discerner de différences significatives d’ordre qualitatif (les deux lots ont le même nombre moyen d’espèces végétales, le même nombre moyen de familles végétales). Ce résultat n’est pas étonnant dans la mesure où les changements de végétation les plus perceptibles sont d’abord des changements quantitatifs.
Toutefois, plusieurs erreurs ont été faites dans l’échantillon : des prairies « non contractualisées » étaient en fait sous contrat. Le parc doit donc reprendre la méthodologie basée sur la comparaison de deux lots de quinze relevés phytosociologiques. De plus, le dénombrement du nombre d’espèces d’une parcelle est discutable d’un point de vue méthodologique (effets lisières, microreliefs, problème des très grandes parcelles, etc.). Notons que le nombre moyen d’espèces végétales calculé sur les 66 parcelles était de 34.
• Une plus value quantitative. La comparaison du lot de prairies bénéficiant d’un cahier des charges de base (espace d’intérêt général) et d’un lot de prairies en « développement de la biodiversité » montre que ce dernier lot est significativement plus riche en fleurs. Le recouvrement moyen en marguerite, gesse des prés, etc. est statistiquement plus important dans ces prairies fauchées tardivement (1er juillet) et où la fertilisation, uniquement organique, est limitée. En corollaire, il n’est pas surprenant de constater que ces prairies sont moins riches en « bonnes » graminées fourragères : ray-gras, dactyle, etc.
• Dans les prairies humides de fauche, et compte tenu des conditions limitantes du milieu, les pratiques des MAET sont proches des pratiques habituelles. La biodiversité de ces parcelles est donc peu augmentée. On observe en effet que les retards de fauche et la limitation de la fertilisation induisent des différences significatives dans le recouvrement de seulement deux espèces (myosotis scorpioides, potentilla erecta), ces dernières n’étant pas des espèces indicatrices très marquées. Plusieurs hypothèses sont avancées :
- il existe une grande diversité de types de zones humides d’où une faible homogénéité des lots ;
- l’humidité induit des contraintes d’exploitation qui font que les agriculteurs non engagés sont confrontés aux mêmes contraintes et ont finalement des pratiques se rapprochant des engagements des mesures agroenvironnementales : cette hypothèse sera confrontée aux résultats des enquêtes agricoles en cours.

La mise en place de l’échantillonnage est en cours de finalisation. Au total, plus de 400 relevés phytosociologiques constitueront la base d’un observatoire1. Ce projet préparé avec la chambre d’agriculture du Haut-Rhin vise un financement pérenne du dispositif de suivi, des investigations complémentaires notamment sur la recherche d’indicateurs simples de suivis2 et la mise en place de méthodes alternatives de lutte contre les espèces indésirables (les produits phyto-sanitaires sont interdits dans le cadre des MAET).

1. Observatoire des espaces ouverts de la montagne vosgienne haut-rhinoise. • 2. Méthode des couleurs : nombre de couleurs de fleurs dans les parcelles.