Amortir les surcoûts de production avec Natura 2000
Espaces naturels n°28 - octobre 2009
Emmanuel Cretin
Chargé de mission Natura 2000 - Syndicat mixte de la Loue
En Franche-Comté, la commune de Nans-sous-Sainte-Anne signe un contrat Natura 2000 forestier. Elle restaure une forêt alluviale et finance, par ce biais, les surcoûts liés à l'exploitation des bois par débardage avec câble-mât.
Est-il possible d’exploiter rentablement les produits forestiers issus de la réhabilitation d’une forêt alluviale d’intérêt communautaire ?
L’expérience menée en Franche-Comté montre qu’un contrat Natura 2000 peut permettre de financer les surcoûts liés à la mise en œuvre d’un débardage respectueux des habitats. Un contrat qui rapporte au bénéficiaire ? Reste à savoir dans quelles conditions.
En 2006, la commune de Nans-sous-Sainte-Anne (Franche-Comté - Doubs) sollicite le syndicat mixte de la Loue, opérateur Natura 2000. Elle souhaite étudier la faisabilité d’un contrat Natura 2000 forestier sur une parcelle située dans le site « Vallée du Lison ». L’action s’inscrit dans une double perspective. La plantation de peupliers et son sous-étage d’épicéas ne sont pas adaptés à la station. Il convient donc de les supprimer pour réhabiliter cette forêt alluviale d’intérêt communautaire en adéquation avec ses caractéristiques stationnelles : frênaie-érablaie alluviale. La commune envisage de vendre les bois. Le volume sur pied est estimé à 250 m3.
Les difficultés relèvent du fait que la parcelle est inondable (enclavée entre deux cours d’eau) avec présence de frayères en aval. La préservation des milieux aquatiques est posée comme une condition lors de l’exploitation forestière. De même, il s’agit de limiter le tassement des sols afin de favoriser une régénération naturelle feuillue.
Deux questions majeures se sont alors posées à l’opérateur : quel mode d’exploitation préconiser afin de répondre au mieux aux contraintes techniques et environnementales du site ? Comment financer à travers un contrat Natura 2000 forestier une plus-value écologique dans une action productive ?
Sur le plan technique. Une méthode alternative de débardage a été retenue : le câble-mât. Cette technique, très utilisée en Suisse et en Autriche, consiste à dé-barder les bois en aérien par l’intermédiaire de câbles tracteurs et d’un chariot porteur. Les intérêts du câble-mât, comparativement aux techniques classiques de débardage, sont multiples : préservation des milieux aquatiques, protection des sols, préservation de la régénération naturelle. En revanche, le câble-mât est beaucoup plus coûteux. Le coût du débardage est multiplié par un facteur deux, voire trois, en raison notamment de l’installation des mâts et des câbles tracteurs.
Sur le plan administratif. Le montage du contrat forestier s’est appuyé sur la circulaire interministérielle de décembre 2004 relative à la gestion contractuelle des sites Natura 2000, ainsi que sur l’arrêté préfectoral régional relatif aux conditions de financement par l’État des contrats Natura 2000 forestiers en Franche-Comté.
Les engagements rémunérés, en contrepartie de la prise en compte des milieux naturels, ont pris en charge les surcoûts de débardage liés au choix du câble-mât
(cf. mesure F 27011 de la circulaire) ainsi que les travaux de sélection et de dégagement de la régénération naturelle feuillue après exploitation (cf. mesure F 27006). Le fait que les travaux d’abattage et de façonnage n’aient pas été subventionnés dans le cadre du contrat Natura 2000 a permis à la commune de pouvoir valoriser économiquement les produits d’exploitation.
Ainsi, ce contrat Natura 2000 forestier présente l’originalité de figurer parmi les premiers contrats forestiers qui, par la prise en charge des surcoûts d’exploitation en contrepartie d’une plus-value écologique, a permis au contractant une valorisation économique des bois. Ce type de contrat, aujourd’hui « facilité » par les nouvelles dispositions de la circulaire de novembre 20071, a été rendu possible dès 2006 en raison d’une interprétation relativement souple de la précédente circulaire à travers l’arrêté régional mais aussi par la bonne compréhension des enjeux par le service instructeur (DDAF).
Cette démarche s’inscrit dans la philosophie initiale de Natura 2000, qu’il conviendrait de ne pas perdre de vue, c’est-à-dire concilier les activités humaines et la préservation de la biodiversité.
1. Circulaire DNP/SDEN/DGFAR/SDER n° 2007-3 du 21 novembre 2007 - Fiche 11 Dispositions spécifiques aux contrats forestiers.