Guyane

Biopiraterie. Défendre les droits des peuples

 
Droit - Police de la nature

Alexis Tiouka
Expert en droit international, spécialisé en droit autochtone

 

S’approprier les savoirs et savoir-faire traditionnels à des fins économiques. Déposer un brevet, léser les peuples de leur propriété intellectuelle collective… Peut-on lutter contre la biopiraterie ?

Biopiraterie. L’acte consiste à exploiter des connaissances ou des savoirs traditionnels d’un territoire sans que les peuples autochtones ou les communautés locales (cf. encart) n’en partagent les bénéfices. Si l’exploitation des ressources génétiques est en cause, c’est également la propriété intellectuelle des peuples qui est flouée. Il est rare que des recherches industrielles ne nécessitent pas l’appui des populations pour localiser les ressources ou obtenir des informations sur celles-ci. En revanche, la valorisation des savoirs ou la codification du partage équitable des gains (matériels ou non) sont peu souvent envisagées.

Protection. Dans le contexte guyanais, les autorités régionales et le parc national ont créé des outils de protection de ces savoirs répondant aux questions qu’elles se posent : • Qui autorise l’accès aux ressources situées sur les territoires des communautés autochtones et locales ? • Quelles sont les parties impliquées dans la négociation ? • Quelles sont les conditions du consentement préalable donné en connaissance de cause ? • Qui donne ce consentement dans les communautés ? • Qui s’assure que cet arrangement a été réalisé dans les règles ? • Qui suit et évalue les négociations sur l’accès aux ressources et le partage des bénéfices ? • Qui examine et approuve les demandes ? Différents documents juridiques, émanant tant du droit international que français, présentent des pistes pour une meilleure protection. Ainsi, concernant la zone du Parc national amazonien de Guyane, il est possible de s’appuyer sur son décret de création1 ainsi que sur la loi relative aux parcs nationaux, parcs naturels marins et parcs naturels régionaux2. Par ailleurs, s’agissant de l’ensemble du territoire guyanais, peuvent être actionnés la convention sur la diversité biologique (art. 8j), le protocole de Nagoya (art. 5), les lignes directrices de Bonn, les travaux de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, le code de la Propriété intellectuelle, la déclaration des Nations Unies, la loi d’orientation pour l’Outre-mer (art. 33).

Consentement. Aujourd’hui, l’accès aux ressources génétiques sur le territoire du parc est soumis à autorisation du président du conseil régional. Il doit également donner lieu à un avis conforme du président du conseil général et être soumis au parc pour consultation. En revanche, les communautés autochtones et locales ne sont pas concernées, la notion de consentement libre et informé n’est pas prise en compte. Pourtant, la convention sur la diversité biologique, traité international légalement contraignant, précise que lorsque les savoirs traditionnels sont impliqués, l’accord doit se faire avec « la participation des dépositaires de ces connaissances, innovations et pratiques. »3

Partage. Les propositions émises par les autorités guyanaises visent, sur le territoire du parc, à créer un collège de représentants des populations autochtones et des communautés locales participant au processus de décision (et non consultation). Par ailleurs, il paraît nécessaire de clarifier les contenus des contrats de bioprotection. Ceux-ci devraient inclure un rapport listant les ressources génétiques, les savoirs traditionnels qui leur sont associés, la manière dont ils sont utilisés (localisation des ressources). La preuve du consentement informé préalable des communautés devrait être apportée en tenant compte de la non-maîtrise de la langue française. Ce rapport devrait inclure des propositions pour le partage équitable des bénéfices : monétarisation, création d’un fonds documentaire regroupant les recherches sur les ressources génétiques, formation des populations, aide à la valorisation de leurs savoirs. Les bénéficiaires pourraient être les personnes directement impliquées dans l’accès aux ressources génétiques ou les communautés. La création d’une structure chargée de gérer ces bénéfices et d’en faire profiter sous la forme de développement local est envisageable. Des réflexions sont en cours. Mais la voix des populations concernées sera-t-elle bien prise en compte ? Les textes internationaux seront-ils appliqués ?

1. Décret n° 2007-266 du 27 février 2007. • 2. Loi n° 2006-436 du 14 avril 2006. • 3. Article 8j, voir aussi l’article 6 du protocole de Nagoya.