Anthropocène

 
Des mots pour le dire

Gilles Bœuf
Président du Muséum national d'histoire naturelle

 

Ajouter l’anthropocène à l’échelle des temps géologiques, telle sera la proposition que devra (ou non) adopter le prochain Congrès géologique international1, qui se tiendra en août, en Australie.
Ce nouvel âge planétaire s’appuie sur des indices de plus en plus nombreux d’un bouleversement des équilibres fondamentaux de la planète du fait de l’activité humaine, au point de mettre en danger l’existence même d’Homo sapiens.
Paul Crutzen (prix Nobel de chimie en 1995) a, en 2002, mis en avant le concept d’anthropocène. Après les travaux de Steve Palumbi, il a montré que le moteur de l’évolution n’était plus comme il avait été pendant très longtemps, la salinité de l’océan, la longueur du jour ou la température et la composition de l’air, mais l’activité d’une seule espèce sur les deux millions connues aujourd’hui. Cette activité repose, entre autres, sur l’exploitation et l’utilisation des combustibles fossiles lesquels fournissent aux humains une énergie condensée, facile à transporter et à utiliser.
C’est après la Seconde Guerre mondiale qu’est survenu ce que les chercheurs appellent la « grande accélération » du changement et la question qui se pose aujourd’hui est de savoir si les humains ne seraient pas en train de créer les conditions de la sixième grande crise d’extinction des espèces.
La 3e grande crise, par exemple, a éteint, il y a 245 millions d’années 96 % des espèces vivantes, marines et terrestres. La 5e grande crise a fait disparaître les ammonites marines et les dinosaures.
L’évaluation des écosystèmes pour le millénaire (Millennium Ecosystem Assessment) établie par 1 400 écologues du monde entier fait apparaître que les taux d’extinction actuels sont entre cent et mille fois plus rapides que depuis 500 millions d’années. On a perdu 43 % du nombre d’amphibiens en trente ou quarante ans, peut-on lire récemment dans la revue Nature. À ce rythme, 75 % des espèces auront disparu en cinq cents ans estime l’UICN.
La moitié des humains se concentrent désormais dans les villes, où ils intensifient leur consommation, une autre des forces motrices à l’origine de l’anthropocène.
La prise de conscience que nous sommes entrés dans l’anthropocène devrait nous amener à penser qu’il est impératif de changer notre mode de vie et nos façons de faire dans nos relations entre les humains et les non humains.