Programme de recherche

Rhoméo : Observatoire d’évolution des zones humides

 

Espaces naturels n°40 - octobre 2012

Le Dossier

Xavier Gayte
Directeur du Conservatoire du patrimoine naturel de Savoie

 

Depuis 2009, le programme Rhoméo s’interroge : quelles méthodes utiliser pour suivre le nombre et la surface des zones humides ? Quels sont les indicateurs de pression les plus pertinents et quelles méthodes utiliser pour les suivre ? Quels sont les indicateurs du bon état des zones humides les plus appropriés et les plus à même d’intégrer un réseau de surveillance ? Premiers résultats attendus en décembre.

L’évaluation est au cœur des exigences des politiques publiques. Sur la thématique des zones humides, la directive cadre sur l’Eau, le plan national Zones humides, le Sdage Rhône-Méditerranée, visent la non-dégradation de ces milieux et leur maintien en bon état. Mais, dans le même temps, les moyens dédiés à l’évaluation ne sont pas toujours suffisants et les différentes échelles d’évaluation pas nécessairement compatibles. Depuis 2009, le programme Rhoméo (Rhône Méditerranée Observatoire) travaille sur ces sujets. Les partenaires financiers (État, Europe, régions, agences de l’eau) se sont accordés sur quatre rendus : • Une liste d’indicateurs pertinents et de protocoles opérationnels permettant de suivre et de mesurer l’évolution de l’état des zones humides. • Des fiches protocoles de suivis de l’état des zones humides (méthodologie, centralisation, reporting) utilisables par d’autres opérateurs du bassin (telle celle reproduite ci-contre). • Un état zéro des zones humides du bassin sur un échantillon représentatif. • Des outils de saisie, de rendu opérationnel et des propositions de formations (suivis, banque de données) pour les opérateurs susceptibles de nourrir le suivi des zones humides du bassin.

Gouvernance. Pour ce faire, le programme Rhoméo réunit gestionnaires, chercheurs et experts à l’échelle du bassin Rhône-Méditerranée. Au-delà de leur participation au comité de pilotage, ces acteurs se retrouvent dans des groupes thématiques (télédétection, hydrologie…), liés aux types de milieux (tourbières, zones littorales…) ou encore se rapportant aux espèces (flore, amphibiens, papillons, odonates…). Ils cherchent à s’accorder sur une définition commune des protocoles de suivi des zones humides. Une fois les protocoles réalisés sur le terrain, ces groupes se mobilisent afin d’interpréter les résultats. Selon les thématiques et leur possible transversalité, le travail peut-être mené à l’échelle régionale ou du bassin. Plus de trente structures et près de cent vingt personnes testent les mêmes méthodes sur un échantillon représentatif de 203 zones humides du bassin. Il s’agit en premier lieu de gestionnaires de milieux naturels (huit conservatoires d’espaces naturels, deux réserves naturelles nationales), de structures de connaissance et d’expertise (quatre conservatoires botaniques, Tour du Valat) et de structures ou associations non spécialistes de la gestion des zones humides (bureaux d’études, associations).

Un programme itératif. Afin de tester si les protocoles utilisés sont scientifiquement valables (robustesse, répétabilité, interprétabilité) et opérationnels, les suivis sont réalisés pendant plusieurs années. C’est ainsi qu’ils ont été réalisés pendant trois ans en Rhône-Alpes et deux années dans les autres régions (Paca, Franche-Comté, Languedoc-Roussillon, Bourgogne). Un aller-retour est systématiquement accompli entre les résultats de terrain et les groupes de travail, afin d’ajuster les protocoles dans un esprit de rigueur scientifique et de faisabilité pratique. Le volume de données récoltées devrait permettre des comparaisons inter-sites et la mise en place de typologies de zones humides adaptées aux suivis.

Méthodologies. Une très grande diversité d’approches méthodologiques est utilisée. Il s’agit de tester des méthodes d’analyse globale de l’état des zones humides et des pressions (photo-interprétation ou analyse d’images satellites) ; et, également, de vérifier des mesures in situ d’un échantillon représentatif de milieux. La complémentarité des indicateurs (physiques, chimiques et biologiques) est recherchée de manière à adapter les protocoles utilisés aux différentes pressions. Il en va de même pour les indicateurs biologiques où les groupes suivis (flore, amphibiens, papillons, odonates…) peuvent renseigner sur plusieurs types d’évolutions des zones humides. Un des objectifs est d’aboutir à une sorte d’IBGN des zones humides.

Mutualisation. Le programme cherche à utiliser et mutualiser les nombreuses expériences réalisées autour des zones humides. De même, une convergence est systématiquement recherchée avec les divers acteurs, ceux de la connaissance, sur des suivis déjà réalisés, ou avec des partenaires institutionnels (régionaux, de bassin ou nationaux) concernant les indicateurs de pression. Les outils de centralisation des données récoltées sont également développés de manière à être interopérables avec les outils métiers des gestionnaires et si possible avec les observatoires régionaux ou nationaux existants tel l’observatoire national des zones humides.

Quelle suite ? L’année 2012 marque une étape importante avec l’organisation, en décembre, d’un premier séminaire de rendu. Un deuxième séminaire, en juin ou septembre 2013, clora le programme et actera la suite à donner. Quelle qu’elle soit, il apparaît aujourd’hui possible de définir des indicateurs pertinents d’état et de pression. Les approches croisées (petite échelle, grande échelle, hydrologie, chimie, biologie) permettent de définir pour chaque type de situation un indicateur adapté en assumant le fait que les niveaux de précisions pourront être différents selon les zones. La réussite et la pérennité d’un suivi global des zones humides à l’échelle d’un bassin doivent intégrer à la fois les besoins locaux (le suivi doit servir aux gestionnaires), territoriaux (synthèses possibles à différentes échelles) et nationaux (indicateurs communs avec l’observatoire national des zones humides). Les indicateurs biologiques peuvent permettre de croiser les indicateurs « eau » et « biodiversité » ; ce qui peut être à la fois pertinent et source d’économie pour un certain nombre de sites. L’évolution de l’état des zones humides peut être complémentaire du suivi des masses d’eau dans le cadre des réseaux de contrôle et de surveillance et des réseaux de contrôles opérationnels menés par les agences de l’eau. Au-delà des séminaires, la dynamique initiée par les acteurs de la connaissance et de la gestion des milieux naturels lors de ces quatre années sera certainement poursuivie. Il s’agira en effet d’aboutir prochainement à un réseau de surveillance ou à un observatoire que les zones humides méritent amplement ! •