Impossible sans trame humaine
Espaces naturels n°34 - avril 2011
Xavier Gayte
Conservatoire du patrimoine naturel de la Savoie
Déminez les peurs et les fantasmes par un face à face avec chaque acteur avant de les réunir tous. Ces rencontres préliminaires sont l’occasion de définir le vocabulaire commun, les limites sémantiques et techniques à ne pas franchir, les synergies entre actions. Et, ainsi, de construire une trame humaine.
Vous n’arriverez jamais à faire comprendre la notion de corridors à des aménageurs, ils sont trop loin de ça.
Voici, en substance le propos mille fois entendu par le Conservatoire des espaces naturels de Savoie, alors qu’en 2007, il expliquait sans relâche l’impérieuse nécessité de convaincre.
Que dire devant tant de scepticisme ? Rien. Agir et prouver que la confrontation des idées et des enjeux est un passage salutaire : un exercice qu’il ne faut pas redouter mais provoquer.
En effet, chaque acteur du territoire a un intérêt à préserver les corridors écologiques, et la confrontation, deux à deux, va permettre de le révéler.
Le dialogue avec la chambre d’agriculture par exemple s’est entamé « drôlement », celle-ci associant la notion de corridor à celle d’autoroutes pour grands prédateurs. Il a permis non seulement de changer sa vision, mais de sensibiliser l’organisme à agir en faveur des prairies fleuries dans ce secteur. Le maintien de pratiques extensives dans un contexte périurbain n’était pas, en effet, une action à première vue prioritaire pour ses ressortissants.
Vu d’un conseil général, le concept de corridor écologique suscitait, spontanément, plus d’adhésion. Ces collectivités territoriales concentrent, en effet, la double compétence des routes et des espaces naturels sensibles. D’emblée, elles sont concernées par les enjeux de franchissement. À condition cependant que leurs capacités financières ne soient pas pénalisées. C’est sur ce levier pécuniaire que la confrontation a alors porté. Comment mobiliser des fonds européens et régionaux permettant la construction de passages faunes ?
Quant aux communes, elles exprimaient des craintes liées aux contraintes supplémentaires. Celles-là ont été partiellement levées, ou du moins l’atmosphère s’est-elle détendue, avec l’adoption de la loi Grenelle 2, se limitant à une prise en compte de la Trame verte et bleue dans les documents d’urbanisme. Certaines communes ont alors manifesté un intérêt à étendre les zonages en raison de nécessaires cohérences géographiques avec leurs documents d’urbanisme.
Si la gouvernance autour des Trames vertes ne génère pas encore une vision partagée de l’aménagement du territoire, elle en porte les germes. Il est intéressant de voir comment, en Savoie, le travail en commun autour des corridors a été une passerelle entre les mondes.
Car, in fine, faire des trames, c’est aussi faire de l’aménagement du territoire.